« TU L’AS DIT , JE SUIS ROI »

 

 

« Jésus-Christ,

dans une obscurité telle

que les Historiens,

ne voyant que les choses importantes des Etats,

l’ont à peine aperçu. »

 

BLAISE

 

 

LE CALENDRIER DES POSTES : PAROLE D’EVANGILE ?

 

Parcourant le calendrier des Postes, je mesure soudain à quel point il est envahi de la présence catholique. Je n’ai pas l’intention de réclamer aujourd’hui le retour au calendrier révolutionnaire, mais je trouve là matière à considérations.

Il y a évidemment les Saints quotidiens : c’est l’occasion de fêter un proche ; on y verra aussi la survivance d’une scansion du temps traditionnelle, charmante et rurale, un élément de culture populaire présent dans tant de dictons, de coutumes ou de chansons:  les feux de la St Jean , « Quand il pleut à la St Médard… »…. ; plus spécialement, les catholiques (et les orthodoxes) sont par là invités à faire mémoire de leurs aînés dans la foi réputés exemplaires, à s’inspirer de leurs enseignements et de leurs vies pour cheminer vers Dieu, à solliciter dans la prière leur intercession, à se sentir personnellement et collectivement partie d’une immense famille en communion.

..Et puis, le calendrier fait mention des Fêtes religieuses, exclusivement chrétiennes dans la plupart des publications, parmi lesquelles il convient de distinguer deux groupes . D’une part, les commémorations des temps forts de la vie de Jésus et de Marie tels que les Evangiles les relatent et que nous revivons intensément dans le rythme de l’ « année liturgique » : Noël, Pâques, etc.… ; ces dates réunissent tous les chrétiens.  D’autre part, les dates affectées à des fêtes que ne partagent pas tous les chrétiens, en rapport avec des points de théologie, de piété ou des dogmes.

On indique ainsi la Trinité, la fête du St Sacrement, dite Fête-Dieu, la fête du Sacré-Cœur, la fête du Christ-Roi, l’exaltation de la Ste Croix, l’Immaculée Conception de Marie, l’Assomption, etc…autant de fêtes qui proposent aux fidèles des moments spirituels forts autour des thèmes évoqués, de la liturgie et, parfois (surtout jadis), de rituels communautaires (processions, reposoirs, etc..). Ces célébrations, souvent instaurées au XIX° siècle, gardent toute leur valeur spirituelle et ecclésiale ; leurs éventuelles manifestations publiques ne me gênent pas : le champ religieux ne saurait avoir honte de sa visibilité !

Ce qui me gratouille, c’est le calendrier des Postes. Non pas en lui-même : je n’y vois ni injure à la religion, ni, à l’inverse, prosélytisme incongru. Je dirais plutôt qu’il y a là comme des buttes témoins, des survivances desséchées d’un temps où traînaient dans les esprits des concepts comme « religion officielle », « Occident chrétien », …sans remonter à « Gott mit uns », « droit divin » et autres « Dieu le veut ! ». Au cours des siècles, l’Histoire, la géopolitique, la vie culturelle et sociale ont fait émerger et expliquent partiellement ces aberrations, mais certainement pas l’Evangile dont elles nient le message fondamental : l’amour universel dans le Christ.

 

DES CANTIQUES DECANTES

 

A cet égard, le texte de certains cantiques anciens, témoins des mentalités du moment, sidère. Un exemple :

 

« Marchons au combat, à la gloire,

Marchons sur les pas de Jésus ;

Ici nous attend la Victoire,

Au ciel, la palme des élus, (bis)

 

Sans cesse il nous faut du courage

Pour repousser nos ennemis…… »

 

Qui sont ces ennemis : nos vices ?, le corps ?, les valeurs mondaines ?, les non-élus ?, le capitalisme ?, le communisme ?, les Allemands (de l’époque..) ?,.. un cocktail de tout celà nommé Satan ?

Certes, on peut toujours « sauver » ce genre de texte en affirmant qu’il n’est qu’un rappel du combat spirituel, mais pourquoi lui avoir donné cette forme belliqueuse entretenant l’ambiguïté au cœur des plus faibles, je veux dire des moins doux ? Nous sommes à peu près dans la même approche que celle du « djihad » des musulmans…

 

Vraiment le Bon Dieu n’est pas tendre pour qui le fâche, et c’est bien fait pour lui :

 

« Tremblez, habitants de la Terre ;

Tremblez, les enfers vont s’ouvrir !

Le ciel dans son courroux,

Fait gronder son tonnerre ;

Qui pourrait te braver, effroyable avenir !.... »

 

La dévotion au Christ-Roi, qu’on aimerait vraiment détachée de la « ligne » évoquée ci-dessus, nous a valu également quelques jolis appels de trompette. Les moins jeunes d’entre nous se souviendront avoir tonitrué :

« Parle, commande, règne ;

Nous sommes tous à toi.

Jésus, étends Ton règne,

De l’univers, sois Roi. »

Ou bien :

« Victoire, tu règneras,

O Croix, tu nous sauveras ! »

Il faut noter cependant que l’ensemble du contenu de ces deux cantiques est d’une théologie plus présentable que celle de leurs prédécesseurs : on s’y souvient davantage que « Son Royaume n’est pas de ce monde ». Mais j’ai toujours préféré chanter : « Jésus, Jésus, doux et humble de cœur… »

 

-         A quoi bon, demandez-vous, évoquer ces pratiques lointaines ? Aujourd’hui, l’Eglise et ses clercs ont dépassé leurs pulsions de pouvoir social ; les croyants témoignent exclusivement de leur adhésion au Christ ; ils agissent dans le monde, certes, mais selon de ce que l’Evangile implique pour leur vie personnelle et collective ; ils s’efforcent, dans une lutte de l’âme sans cesse réactivée, d’accueillir la Parole le moins mal possible ; nos cantiques sont au diapason de cette attitude ; plus personne ne fantasme sur « la Chrétienté occidentale » ; aucune communauté n’a l’outrecuidance de se croire plus « fille aînée de l’Eglise » qu’une autre… »

 

Hum ! En êtes-vous bien sûr ? On trouve encore des organisations, communautés, associations, mouvements hantés à des degrés divers par le délire du triomphe temporel chrétien (ce qui est, si j’en crois l’Evangile, une contradiction dans les termes..). Accordons-leur, pour quelques uns, le crédit de la sincérité, mais la vertu, hélas, n’excuse pas tout !

L’institution ecclésiale ne renie pas forcément ces mouvements ; elle s’en sert même parfois. J’ose cependant penser qu’elle n’approuve pas les plus aberrants comme « les Amis du Christ Roi de France », dont la devise est : « Le Seigneur veut régner sur la France et par la France sur le Monde ».

Ce groupement de clercs est persuadé que l’Eglise de Rome est hérétique depuis Vatican II,

que Benoît XVI va poursuivre sa ruine (« Ce sera pire que sous Jean XXIII » (sic)), etc… Si vous aimez à la fois rire et frissonner d’effroi, allez visiter leur site.

 

La palette traditionaliste ne couvre pas, bien sûr, que des organismes de cet acabit qui sortent de l’épure : un large éventail de sensibilités est heureusement souhaitable parmi les baptisés (dont les Kato-Gratteurs…).

 

Ce qui me gêne au final ?

     - C’est de constater souvent la proximité de ces mouvements vertueux avec des mouvances politiques dont les attitudes et l’arrogance nient l’Evangile, même quand elles récupèrent cette bonne Jeanne d’Arc.

     - C’est de me dire que, si la volonté de puissance, même revêtue de pieux habits de lumière, reste présente visiblement, elle l’est sans doute invisiblement dans chaque âme : à chacun, laïc ou clerc, avec l’aide de la Parole et des copains, de débusquer et d’extirper ce chancre.

      - C’est que je n’ai certainement pas épuisé la méditation sur les richesses méconnues du calendrier des Postes

 

OOO

 

PS : Ce texte, pas plus que les précédents, n’a reçu d’autorisation ; forcément, puisque je n’en ai pas demandée.

Si vous souhaitez me dire quelque chose, soyez les bienvenus : chevillonm@free.fr

 

JULES

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