ΠFRATERNITE ?

 

 

 

Tout au long de ton séjour sur cette terre, ton sens de la fraternité fut restrictif, sélectif et très marqué par ton désir de dominer, de briller. Tu recherchais la gloire, la renommée. En outre, tu fus enfant unique et, très tôt, orphelin de ton père. Ta sainte femme de mère t’a élevé avec tendresse, mais dans la facilité et la notoriété d’une relative richesse.

 

Découvrir un frère dans le vieux bonhomme que je suis, et vingt siècles après ton passage ici bas, aurait, à l’époque, paru tout à fait incongru, et certainement inconvenant, au brillant rejeton d’une riche famille de Kériot, instruit par les sommités du Temple de Jérusalem, et déjà confident de bien des intrigues des autorités religieuses et politiques.

 

J’origine notre fraternité dans le rabbi Jésus. Il a marqué ta vie et aussi la mienne. Marqué ! Le mot est bien faible ! Existerions-nous seulement sans Lui ? Pour ce qui te concerne, la réponse est évidente. Tu lui dois toute ton immense notoriété. Par toi-même, tu ne fus rien. Ce constat doit te ronger le mental à proportion que tu prétendais à de très hautes fonctions. Car une ambition forcenée fut le moteur de toute ta brève vie.

 

Affirmer que l’ambition fut étrangère à mon dynamisme interne serait mentir. Nous avons là un deuxième point commun que je ne saurais renier car toute vie est portée par une espérance. A ce titre, des formes d’ambitions sont nécessaires. Le vrai problème n’est que celui de leur centrage et de leur contribution à une convivialité, à une communion finalement, mais au sens que lui a donné notre commun Maître.

 

Quand je contemple, aussi faiblement qu’il m’est possible, son infini sainteté et l’étendu de son universel amour, l’évidence de notre fraternité, en lui, s’impose. Cette contemplation m’a révélé combien nous sommes semblables. Les mêmes ambiguïtés, contradictions, tentations suivies des mêmes abandons ont terni nos vies, en zones d’ombres dans l’éclat de Sa lumière. Tout n’est qu’affaire de centrage, de gradation dans les errances. Je défie qui que ce soit, spirituellement honnête, d’oser s’affranchir de ta fraternité au motif que décidément, tu serais toi, infréquentable.

 

Les belles raisons que je fabriquais jadis, pour masquer mon trouble face à cette évidente parenté, n’ont pas résisté à l’usure du temps. La sagesse commande une lucidité qui ne conduit certes pas à s’abandonner à nos pesanteurs, mais totalement à la tendresse du rabbi Jésus. Tu fus soumis non moins activement que nous au feu de cette amour. Toutes nos misères s’enracinent dans notre opacité, notre faculté à Lui résister.

 

Y as-tu capitulé en cet instant suprême qui marque notre entrée dans  l’éternité ? Nul autre que toi et Lui ne peut le savoir. Cette question te concernant me revient souvent. En écho monte une douleur qui n’est pas mienne, il me semble... Je l’espère du moins. Car si quelqu’un nous aime, toi et moi, et d’un amour éternel qui ne saurait se tarir, c’est bien Lui. Aurai-je abdiqué ce stupide orgueil de ma vie qui fut aussi le tien ? J’en doute souvent. En fait nul n’en peut rien savoir. Pour toi comme pour moi, c’est affaire de miséricorde acceptée. L’évidence s’impose qu’il ne peut en être autrement.

 

Mais j’entends d’ici des refus de cette fraternité là. Cette évidence devenue mienne est peu partagée. Elle paraît offensante à qui la refoule. Mais tu sauras mieux que moi nous y faire entrer par le récit de ta vie aux cotés du doux Maître Jésus de Nazareth.