L’ANNONCIATIONŒ

La prière de Marie peut ne pas exclure l’activité. Tout est rapidement remis en ordre parfait. Avant le repos dans sa chambre  Marie chante à mi-voix, son cœur déborde en une prière chantée improvisée : «  Ô Père Saint, envoie à la terre la promesse des prophètes... Envoie le Rédempteur à ta servante... Viens Esprit du Seigneur vers tes fidèles qui t’attendent... Viens prince de la  paix... »

Une sorte de concentration de la faible luminosité ambiante se produit. Marie, tout à sa prière, ne remarque rien. L’archange Gabriel est là qui se prosterne :

( Luc 1 28-38 )

- Je te salue Marie,  réjouis-toi, comblée de grâces.

La voix allie force et chaleur. Marie sursaute et s’éloigne vivement de cet être de lumière respectueusement prosterné à moins d’un mètre d’elle, les mains croisées sur la poitrine, et qui la regarde avec un infini respect. Elle bute contre le mur, montrant tous les signes d’une grande frayeur...

- Sois sans crainte, Marie , car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.

Elle s’interroge... D’où  est  venu cet  être ? Est-il envoyé  de  Dieu ou de Satan ?

- Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David, son père : Il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin.

Mais Marie dit à l’ange :

- Comment cela sera-t-il puisque je ne connais pas d’homme ?Ž

L’ange lui répondit :

- L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé fils de Dieu. Et voici que Elisabeth ta parente vient elle aussi de concevoir un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile : car rien n’est impossible à Dieu.

La grande intelligence de Marie, alliée aux connaissances bibliques reçues pendant  plus  de  dix  années  d’étude et de  contemplation  de  la  sagesse divine, font qu’elle  comprend instantanément ce que signifie la requête de Gabriel. Le rôle de cet enfant, sa nature divine, son destin tragique et sublime, tout cela figure dans des textes prophétiques qu’elle connaît par cœur. En outre, Marie connaît la loi. Elle sait que les femmes adultères sont mises à mort, par exécution collective, à coups de pierres... la lapidation ! Sa vie sera là entre les mains de Joseph.

Toutes ces pensées lui viennent en un éclair, mais ne suscitent pas la moindre hésitation devant la volonté de Dieu. Elle croise les bras sur sa poitrine, se courbe en une inclinaison très lente, profonde et humble :

- Je suis la servante du Seigneur : qu’il m’advienne selon ta parole.

Gabriel resplendit de la joie de Dieu en se prosternant devant Marie. L’instant suivant, Marie est seule.

Le lendemain, sa journée de travail terminée, Joseph apporte des œufs frais et des fruits :

- Les fruits viennent de Cana, et les œufs c’est le centurion qui me les a donnés en paiement d’une réparation à la roue de son char... J’arrive directement de chez lui.

- Alors tu n’as pas dîné...

Immédiatement Marie s’affaire. Elle sort du lait, des olives, du fromage et un des œufs que Joseph refuse en affirmant que les œufs sont pour elle.

Il mange de bon appétit tout en racontant sa journée... les belles fleurs que le centurion lui a promises et qui pourront  être plantées immédiatement car la lune est favorable...

Tout en l’écoutant, Marie travaille à une broderie. Soirée paisible et heureuse. Après un silence, Marie prend la parole :

- Aujourd’hui, j’ai appris que notre cousine Elisabeth attend un enfant.

Joseph écarquille les yeux sous la surprise...

- Â son âge...?

- Oui, à son âge, répond Marie en souriant, car rien n’est impossible à Dieu, et il a voulu donner cette joie à notre cousine.

- Mais comment le sais-tu, la nouvelle est-elle sûre ?

- Un messager qui ne saurait mentir m’a informée. Si tu le permets, je souhaite aller chez Elisabeth pour l’aider et me réjouir avec elle.

- Je suis ton serviteur, Marie. Tout ce que tu fais est bien. Quand souhaites-tu partir ?

- Le plus tôt possible. Elisabeth en est à son sixième mois et elle a besoin de moi. Je resterai auprès d’elle plusieurs mois.

- Et moi, je compterai les jours en t’attendant... Mais pars tranquille. Je veillerai sur la maison et soignerai le jardin. Il faut que j’aille à Jérusalem acheter des outils neufs. Je comptais y aller dans quelques jours. Si ça te convient nous ferons le voyage ensemble et à Jérusalem nous trouverons bien  quelqu’un  de  sûr  pour  t’accompagner  jusqu’à  Hébron. Pour  le retour, tu me feras prévenir et je viendrai t’attendre à Jérusalem... Qu’en penses-tu ?

- Tu es bon  Joseph. Que Dieu t’en remercie et éloigne de toi toute douleur...

Marie sait qu’elle porte en elle une grande douleur pour  Joseph... Elle se tait en s’en remet à Dieu pour résoudre cette très délicate question.

Œ L’Annonciation est le premier des mystères joyeux dont la méditation nous est proposée dans la prière du rosaire. Il est bien fâcheux que, dans les mentalités dites « modernes », cette prière soit, sinon tombée en désuétude, du moins comme réservée au troisième âge plutôt bigot. Cette méditation, si elle est faite dans l’accueil de la maternité de Marie ( « ...femme : Voici ton fils... et à Jean: Voici ta mère... ), se change vite de méditation en contemplation de l’immensité de la sainteté de la Sainte mère, de sa réelle royauté aux côtés de son fils, de son rôle de co-rédemptrice, véritable porte du ciel par laquelle l’Esprit Saint nous est donné. Marie engendre véritablement son Jésus en chacun de ses enfants qui osent le lui demander. Bref, il est peu de véritable chrétien hors de la familiarité avec Marie, et tous ceux qui attaquent ou discréditent la piété mariale, souvent sans mesurer les conséquences de leurs positions, passent possiblement à côté de l’essentiel du message de Jésus et surtout de sa volonté. Tout ceci pour insister sur l’importance à accorder dans la connaissance de la personnalité de la Sainte Vierge. Il convient d’insister, dans le récit auprès de jeunes auditoires sur les points suivants, ils les comprennent fort bien et en retirent beaucoup de joie :

- Marie n’était pas comme on le dit trop souvent une jeune paysanne pauvre, inculte et volontiers choisie par Dieu pour son insignifiance. C’était une princesse de sang royal, éduquée pendant de nombreuses années dans la plus haute école de l’époque. Ses connaissances, à tous points de vue, se situaient au plus haut niveau possible.

- Marie, au moment où se situe l’Annonciation n’était que dans sa seizième année. C’est à une adolescente que Dieu propose le gigantesque destin de mère du Rédempteur. Nos petites des catés sont toujours émues en se voyant presque de son âge. Cela donne à réfléchir...

- Marie connaissait parfaitement tous les dangers de son acceptation de cette étrange proposition. Le risque de mort par lapidation, la maternité d’un enfant destiné à accomplir les prophéties d’Isaïe : le massacre !

- D’où l’immense grandeur, à jamais inégalable de son « Fiat »

- C’est par l’humble et confiante obéissance à ce désir de Dieu que Marie devient la nouvelle Eve. La première avait pris une décision totalement inverse, prétendant se faire « comme Dieu », dans la défiance.

Comblée de grâce... Nous disons aussi : pleine de grâce. Il faut comprendre : « remplie de l’Esprit Saint ». St Maximilien Kolbe ose écrire que Marie fut « comme » une incarnation de l’Esprit Saint.

Ž Humblement, Marie demande là si son état de virginité fait obstacle à la volonté divine. Elle est évidemment prête à toute obéissance. Admirable expression de la « crainte » de Dieu. Elle est anxieuse, révérentiellement et amoureusement, de ne pas être dans le juste désir de Dieu.

Très bel exemple de vérité, dans la discrétion vis-à-vis du secret divin, et dans le respect dû à son époux. Marie ne peut rien dire de plus... Même à Joseph.