MARIE JEUNE EPOUSE
A Nazareth les semaines et les mois s’écoulent paisiblement. Joseph a
installé Marie dans sa maison natale préalablement remise en état. Il a
beaucoup travaillé et la propriété a repris l’aspect soigné qui était le sien du vivant de Joachim et Anne.
Les jeunes époux se voient chaque jour. L’habitude est prise pour
Joseph de venir dîner chez Marie quasiment chaque soir. Il commente sa journée
de travail, apporte des nouvelles mais
aussi des fruits, des légumes et le peu d’argent dont Marie a parfois besoin.
Marie est très reconnaissante devant tant de sollicitude, de prévenance,
d’amour vrai et profond qui respecte totalement le perpétuel climat de prière
contemplative dans lequel elle baigne. Joseph, excellent mais simple
travailleur manuel découvre émerveillé, dans sa jeune épouse un puits de science, une
sagesse insondable, une douceur perpétuelle non dénuée de force, une paix
débordante. Tout cela le comble de bonheur.
Les gens de Nazareth comprennent fort bien que Joseph ne se hâte pas de
cohabiter avec une si jeune et si sainte épouse... La plupart admirent sa
délicatesse, et à ceux qui lui demandent quand il se décidera à prendre son
épouse chez lui, il répond avec un fin
sourire :
- Joie longuement attendue sera plus savoureuse !
A son neveu Alphé qui exige plus de précisions
il indique :
- Quand Marie aura pris ses seize ans...
Vers la fin du mois d’octobre de cette année -6, on apprend que les
cousins d’Hébron, Zacharie et Elisabeth ont des soucis. Le prêtre Zacharie a
été subitement frappé de mutisme lors de son service au temple. C’était vers le
3 octobre... Zacharie était tout bizarre quand il est sorti du Saint des
Saints là où réside Dieu en son Arche
d’Alliance. Depuis, plus un mot n’est sorti de sa bouche. Il se sert de
tablettes pour communiquer avec ses proches...!
( Luc 1 5 a 22 )
Il y eut, aux jours d’Hérode roi de Judée , un prêtre du nom de Zacharie , de la classe d’Abia, et il avait pour femme une descendante d’Aaron dont
le nom était Elisabeth. Tous deux étaient justes devant Dieu et ils suivaient,
irréprochables, tous les commandements et observances du Seigneur. Mais ils
n’avaient pas d’enfant, parce que Elisabeth était stérile et que tous deux
étaient avancés en âge.
Or il advint,
comme il remplissait devant Dieu les fonctions sacerdotales au jour de sa
classe, qu’il fut, suivant la coutume sacerdotale, désigné par le sort pour
entrer dans le sanctuaire du Seigneur et y brûler l’encens. Et toute la multitude
du peuple était en prière, dehors, à l’heure de l’encens Œ.
Alors lui apparut
l’ange du Seigneur, debout à droite de l’autel de l’encens. A cette vue
Zacharie fut troublé et la
crainte fondit sur lui. Mais l’ange lui dit : Sois
sans crainte Zacharie, car ta supplication a été exaucée. Ta femme Elisabeth
t’enfantera un fils et tu l’appelleras du nom de Jean. Tu auras joie et
allégresse et beaucoup se réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant
le Seigneur. Il ne boira ni vin ni boissons fortes. Il sera rempli d’Esprit
Saint dès le sein de sa mère et il ramènera de nombreux fils d’Israël au
Seigneur leur Dieu. Il marchera devant lui avec l’esprit et la puissance
d’Elie, pour ramener le cœur des pères vers les enfants et les rebelles à la
prudence des justes, préparant au Seigneur un peuple bien disposé.
Zacharie dit à
l’ange : A quoi connaîtrai-je cela ? Car moi je suis un vieillard et ma
femme est avancée en âge ! Et l’ange
lui répondit : Moi je suis Gabriel qui me tient devant Dieu et j’ai été
envoyé pour te parler et t’annoncer cette bonne nouvelle. Et voici que tu vas
être réduit au silence et sans pouvoir parler, jusqu’au jour où ces choses
arriveront parce que tu n’as pas cru en mes paroles, lesquelles s’accompliront
en leur temps.
Le peuple
cependant attendait Zacharie et s’étonnait qu’il s’attardât dans le sanctuaire.
Mais quand il sortit, il ne pouvait leur parler, et ils comprirent qu’il avait
eu une vision dans le sanctuaire. Pour lui, il leur faisait des signes et
demeurait muet.
L’année -5 commence, l’hiver s’achève. Voici le mois de mars.
Personne, pas même Marie, ne se doute que le Père Eternel va frapper
les trois coups d’un drame d’Amour au retentissement universel. La journée du
11 mars s’écoule, paisible... comme d’habitude. Joseph vient travailler au jardin en fin d’après midi...
comme d’habitude. Il dîne avec Marie puis s’en retourne chez lui... comme
d’habitude.
Marie, comme à
chaque instant de solitude se plonge à nouveau dans la contemplation de l’Amour
de Dieu, dans la soif de son Messie, dans la cataracte de tendresse divine qui
se déverse en elle.
Œ Une fois par an, le peuple
s’assemblait au temple et un prêtre pénétrait dans le Saint des Saints pour
implorer le pardon de Dieu en brûlant de l’encens. Quand il sortait du saint
lieu, il proclamait la grâce accordée et le peuple était dans l’allégresse à
cette annonce. Ce rite qui s’origine dans la loi mosaïque est la racine de
l’obligation faite par l’Eglise de recevoir le sacrement du pardon au moins une
fois l’an. Que Zacharie s’attarde et perturbe le rituel ne pouvait manquer
d’être remarqué. Il y a, dans cette volonté divine de non discrétion, comme une
annonce publique de l’arrivée du précurseur attendu avec autant de passion que
le Messie. Les disciples de Jean Baptiste, dans une trentaine d’années, ne
manqueront pas de relever ce signal divin.
Il faut comparer l’attitude de
Marie quand Gabriel lui transmet la proposition de Dieu et celle de Zacharie à
cet instant. Marie ne doute pas. Elle s’informe, anxieuse de ce que sa
virginité pourrait faire obstacle à la volonté divine, et quelle que soit cette
volonté, elle est prête à y souscrire. Mais Zacharie, au contraire, doute.
L’annonce de Gabriel lui paraît invraisemblable. D’où le coup de
« colère » de l’archange ! Face à Marie, la « pleine de
grâce », Gabriel est respectueux : c’est la demeure de l’Esprit qui est en
face de lui. La véritable Arche dont la première ne fut qu’une préfiguration
prophétique. Face à Zacharie, il est plus directif, et ne lui propose
d’ailleurs pas de choix. C’est ainsi, et il convient d’obéir.