UN APPRENTI MENUISIER

 

 

Quelques années sont passées. Nous sommes en l’an 1 de notre ère et de retour à Nazareth. Jésus a maintenant environ 5 ans. Il n’est plus un bébé, mais déjà un petit garçon. Joseph, du pas de la porte de son atelier, l’observe en train de jouer dans le jardin. Jésus a construit au sol tout un paysage en miniature avec des collines, des routes, des bosquets, des villages. Au centre, il a placé un plat avec de l’eau. Il y mouille son vêtement et se salit les mains mais explique à Joseph qu’il s’agit du lac de Génésareth, qu’ici se trouve Tibériade, là Capharnaüm et ailleurs Magdala. Et voici la route qui par Cana conduit à Nazareth. L’enfant place des brindilles sur son lac. Ce sont des barques qui avancent vers l’autre rive ...

Joseph lui propose alors de confectionner lui-même un beau plat, plus grand, en beau bois collé, pour faire un beau lac, et aussi pour l’offrir à sa maman :

- Viens voir. J’ai des outils pour toi, taillés pour que tu puisses t’en servir.

- Je pourrai t’aider ?

A cette idée Jésus oublie instantanément sa belle Galilée et bondit, debout. Le visage tendu, il attend la réponse de Joseph :

- Oui, tu m’aideras. Et ainsi, tu deviendras un bon menuisier. Viens voir !

Ils entrent dans l’atelier et se dirigent vers l’établi. Joseph y a préparé tout un outillage, modèle réduit, mais solide et probablement très efficace.

- Regarde : voici ton marteau, et ta scie. Voici tes tournevis et ton rabot. Là, c’est ton établi. On le placera à côté du mien...

Jésus, ébahi, contemple ces merveilles.

- Aide-moi à placer cette planchette sur ton établi ... oui, comme ça ... bloque-la avec ces presses ... Oui, c’est bien. Maintenant avec la scie, coupe un morceau bien propre. Tu le raboteras pour qu’il soit bien lisse et ça sera un cadeau pour ta maman.

Avec attention, regard sérieux, lèvres serrées, Jésus scie ... pas maladroitement. Il reproduit les gestes observés tant de fois chez Joseph.

- Attention à tes doigts ...!

Puis il rabote, cherchant une planimétrie qui ne vient évidemment pas au premier essai. Joseph, patient, l’encourage, le conseille et le félicite.

Marie, silencieuse, paraît sur le seuil de l’atelier et observe en silence ses deux « hommes » qui lui tournent le dos, absorbés dans leur travail. Emue, elle sourit à la vue des efforts courageux de Jésus et aussi devant la force tendre et patiente de Joseph.

Mais Jésus perçoit bien vite la présence de sa mère. Très fier, il se précipite vers elle en tendant sa planchette rabotée. Marie admire, félicite, donne un baiser, essuie le front où perle la première sueur « professionnelle », redresse les cheveux ébouriffés et écoute affectueusement Jésus qui lui promet de fabriquer un petit escabeau :

- ... Tu y poseras les pieds maman, tu seras plus à l’aise devant ton métier.

Joseph, resté près du minuscul établi savoure le bonheur présent.

Ce fut la première leçon donnée à Jésus apprenti menuisier charpentier.

 

Commentaire de Jésus à Maria Valtorta, à méditer, surtout à notre époque :

« Combien de familles auraient à apprendre de cette perfection d’époux qui s’aimèrent comme aucuns autres ne se sont aimés ! Joseph était le chef. Indiscutée et indiscutable son autorité dans la famille. Devant elle s’inclinait respectueusement celle de l’Epouse et Mère de Dieu, et le Fils de Dieu s’y assujettissait. Tout était bien fait de ce que Joseph décidait de faire, sans discussions, sans objections, sans résistances. Sa parole était notre petite loi que nous suivions. Et malgré cela, en lui quelle humilité ! Jamais un abus de pouvoir, jamais un vouloir déraisonnable. L’épouse était sa douce conseillère et si dans son humilité profonde elle se considérait comme la servante de son conjoint, lui tirait de la sagesse de la « pleine de grâce », la lumière qui le guidait en toutes circonstances.

Et moi, je grandissais comme une fleur protégée par deux arbres vigoureux, entre deux amours qui s’entrelaçaient au-dessus de moi, pour me protéger et m’aimer. Tant que ma jeunesse me fit ignorer le monde, je ne regrettais pas le paradis. Dieu le Père et le Divin Esprit n’étaient pas absents parce que Marie en était remplie, et les anges avaient là leur demeure car rien ne les éloignait de cette maison. L’un d’eux, pourrais-je dire, s’était incarné et c’était Joseph, âme angélique, libéré du poids de la chair, uniquement occupé à servir Dieu et  ses  intérêts  et à  L’aimer  comme L’aiment  les  séraphins. Le regard de Joseph ! Tranquille et pur comme la lumière d’une étoile qui ignore les concupiscences de la terre. C’était notre repos, notre force. »