LES ROIS MAGES
Quelques mois ont passé. La sainte famille, obéissant au conseil du
prêtre Zacharie, s’est installée à Bethléem dans un logement exigu pris en
location. Joseph a récupéré ses outils et s’est mis courageusement à la
reconstitution d’une clientèle. La tâche est rendue difficile par l’absence de
son atelier. Il y supplée par de très nombreuses heures d’un travail aussi
parfait que possible, et une serviabilité de tous les instants. Joseph est un
parfait professionnel. En outre, les bergers adorateurs de la première nuit se
sont dépensés sans compter. Tout Bethléem les a entendus, au moins une fois,
raconter dans le détail la merveilleuse nuit de Noël. Ainsi, bien des cœurs se
sont laissé convaincre d’être bienveillants avec ce jeune couple si vertueux,
cette jeune maman si belle et si sainte, et surtout ce bébé... Qui sait ? Si
ces bergers n’étaient ni fous ni ivres, il se pourrait que la prophétie de
Miché soit accomplie... Un prêtre du temple de Jérusalem n’a-t-il pas visité
cette famille ? Prudence donc... Pensez... il s’agit peut-être du futur roi d’Israël, de celui qui chassera
les Romains et rétablira, pour toujours, la puissance de David et de Salomon.
C’est ce que disent tous les prophètes.
Le logement pris en location donne sur la grande place du bourg où se
trouvent également le caravansérail, et l’auberge qui les avait refusés au soir
de la naissance.
Arrive ainsi une soirée avancée d’octobre -4. Il fait nuit. Tout
Bethléem est soit à la veillée soit déjà au lit. Dans les rues, il n’y a
personne pour apercevoir un étrange phénomène. La luminosité, une fois de plus,
est très inhabituelle. On y voit quasiment comme en plein jour, mais sous
l’influence d’une étoile fortement lumineuse, qui fait paraître bien
insignifiantes toutes les autres, et qui en outre n’est pas fixe ! Elle se
déplace et émet un rayonnement très directif qui concerne à l’évidence la
petite maison dans laquelle se trouve la sainte famille.
La façade en est toute resplendissante malgré sa simplicité.
(Mathieu 2 1-8)
... Voici que des
mages, venus du Levant se présentèrent à Jérusalem en disant : « Où est
le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile Œ au Levant et nous sommes venus nous prosterner devant lui »
Sur ces paroles,
le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Et, rassemblant tous les
grands prêtres et scribes du peuple, il leur demanda où le Christ devait
naître. Ils lui dirent : « A Bethléem de Judée car ainsi est-il écrit par
le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certainement pas la
moindre des cités de Juda, car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître
mon peuple Israël». Alors Hérode,
appelant les mages en cachette , se fit préciser par eux le temps où était
apparue l’étoile ; Et, les envoyant à Bethléem, il dit : « Allez, enquerrez-vous
exactement de l’enfant, et dès que vous l’aurez trouvé, annoncez-le-moi, afin
que moi aussi je vienne me prosterner devant lui ... »
Entrant dans le bourg par la rue principale côté Jérusalem, une
caravane trouble le silence ambiant. Des chameaux montés ou chargés, beaucoup
de monde, et surtout trois magnifiques cavaliers. Leurs vêtements, leurs armes
et le harnachement somptueux de leurs chevaux, tout indique une très grande
richesse.
La caravane envahit la place de Bethléem. Les trois personnages
contemplent la façade de la petite maison toute simple sur laquelle l’étoile
concentre sa lumière. Ils descendent de cheval, s’agenouillent face à la maison
et se prosternent tous les trois en embrassant la poussière du sol ...!
Puis des ordres fusent à mi-voix ... Un serviteur se précipite vers le
caravansérail ... Le patron de l’auberge accourt en multipliant les courbettes ...
La grande richesse évidente de ces voyageurs qui demandent s’il y a de la place
est à coup sûr plus convaincante que la
détresse de Marie et de Joseph il y a si peu de temps ! L’aubergiste
guide ces riches clients tandis que de nombreux gamins prêtent la main aux
chameliers et serviteurs pour leur installation dans le caravansérail.
Le lendemain dans l’après-midi les bethléemites sont témoins d’un
événement exceptionnel. Les gamins en service à l’auberge ont bavardé et les
habitants du bourg commentent l’arrivée tardive de cette puissante caravane, de
ces trois personnages fastueux, des rois dit-on, venus de contrées lointaines ...
Oui, ils sont passés par Jérusalem, le roi Hérode les a reçus avec égards ...
Un des gamins de l’auberge affirme les avoir vus à leur arrivée la nuit dernière
se prosterner face à la maison d’Anne. Pourquoi ? Mais simplement parce que
c’est là que résident le jeune couple et l’enfant dont les bergers ivres nous
ont cassé les oreilles il y a quelques mois ... Le gosse affirme même que la
façade de la maison était toute lumineuse ... Encore un habitué de la chaparde
dans la réserve à vin de l’aubergiste ! Bref, les commentaires vont bon train,
et tous les curieux sont là pour guetter la suite probable des événements ...
mine de rien, tout en faisant semblant de vaquer à leurs occupations. C’est que
les distractions sont rares à Bethléem en l’an -4.
Toute cette petite foule de curieux bavards se fige quand un étranger
sort de l’auberge. Il est grand et magnifiquement vêtu ... Non ça n’est pas un
des rois ... Tout au plus un intendant ou un homme de confiance ... Mais que
fait-il ?... Il traverse la place, va frapper à la porte d’Anne ... Entre, et
la porte se ferme. Immédiatement, les discussions reprennent pendant quelques minutes puis s’arrêtent car
l’homme vient de ressortir et sans un mot s’en retourne à l’auberge. Les
commentaires reprennent de plus belle. On dissuade un curieux d’aller
s’informer auprès d’Anne ... Non ça ne serait pas convenable ...
Mais voici que, sortant de l’auberge, apparaissent les trois rois. Devant
la majesté et la richesse qui émanent des personnages, un « Oh »... admiratif
parcourt
Il y a un coffre orné de marqueterie, dont toutes les serrures et
garnitures sont en or. Il y a aussi une très belle et grande coupe finement
travaillée, dont le couvercle est d’or ciselé. Le troisième serviteur porte une
amphore également en or, fermée par un bouchon pyramidal coiffé à son sommet
par un énorme diamant. Tout cela paraît très lourd car les porteurs, pourtant
jeunes et musclés, peinent manifestement.
Les rois traversent lentement la place, fixant du regard la maison
d’Anne. Ils paraissent absents, perdus dans la joie de l’accomplissement d’une
longue espérance, d’une longue persévérance. La porte s’ouvre, ils pénètrent à
l’intérieur, la maison se ferme ... Immédiatement les commentaires repartent, à
pleine voix cette fois.
Marie, avec Joseph à son côté est assise portant Jésus contre sa
poitrine. Ils se lèvent quand paraissent les trois rois. Un
vêtement blanc, très simple, mais parfaitement propre, ne montre que son visage
rose d’émotion et ses avant-bras. Elle sourit avec douceur, et salue les trois
visiteurs : « Dieu soit avec vous ! » Sa beauté est
tellement resplendissante, sa présence tellement intense, que les trois rois en
restent un instant subjugués. Tous trois se prosternent à ses pieds et la
prient de s’asseoir, mais eux restent à
genoux, sur les talons, tout comme les serviteurs en retrait. Les trois sages
contemplent longuement le bébé. Bien éveillé et robuste, Jésus gigote en
gazouillant dans les bras de sa maman. Lui aussi est tout de blanc vêtu, une
tunicelle toute simple, des sandalettes au bout des petites jambes potelées et
remuantes, un visage aux fossettes bien marquées, un sourire fréquent qui
montre des quenottes récentes et des yeux bleu azur foncé. Les cheveux bouclés
ont la couleur de l’or.
Le plus âgé parle au nom des trois. Il explique qu’une nuit de décembre
de l’année dernière, chacun d’entre eux et séparément, au cours de leurs
travaux d’astronomie, a vu apparaître une nouvelle étoileŒ, d’une luminosité tout à
fait exceptionnelle. Aucune carte céleste ne mentionnait cette étoile. Elle
était donc nécessairement un cadeau de Dieu aux hommes pour leur signifier un
événement grandiose, un secret divin. L’étude de la conjonction des astre, le
temps, la saison, les combinaisons astronomiques et aussi les quelques
connaissances qu’ils avaient de la culture juive, avaient soufflé en chacun de
leurs coeurs le nom de « Messie Sauveur». A l’insu les
uns des autres, chacun s’était aussitôt mis en route pour trouver ce Messie,
afin de l’adorer. L’étoile les guidait et les fit se rencontrer dans leur
marche convergente vers Jérusalem. Ils eurent la surprise de se comprendre,
bien que ne parlant pas la même langue et partout où ils passaient, ils
comprenaient les dialectes locaux et se faisaient comprendre sans difficulté. Connaissant les textes
anciens, c’est à Jérusalem qu’ils devaient s’informer auprès du roi Hérode, ce
qu’ils firent. Hérode les reçut avec civilité et se montra très intéressé par
cette naissance. Curieusement, à Jérusalem
l’étoile avait disparu. Interrogé par Hérode, les sages avaient indiqué
Bethléem comme lieu de la naissance du Messie, conformément à un oracle du
prophète Miché. Ils s’étaient donc remis en route après avoir reçu d’Hérode
l’invitation à lui rendre visite sur le chemin du retour. En confirmation,
l’étoile réapparut dès leur sortie de la ville pour les guider jusqu’à cette
maison ...
Et maintenant, pleins de joie, ils adoraient cet enfant Dieu, lui
offrant leurs pauvres cadeaux, mais surtout leurs coeurs qui le bénissaient, en
reconnaissance du formidable bonheur de pouvoir le contempler en sa sainte
humanité.
- Voici l’or qui convient à un roi, voici l’encens qui convient à Dieu,
et voici aussi la myrrhe car cet enfant Dieu, en sa chair d’homme connaîtra
l’amertume et
Marie a courageusement affronté ces paroles de vérité ... Elle les
connaît, tous les prophètes ont tenu le même langage ... Isaïe, Syméon il y a peu, et maintenant ces mages ... Eux ne se
trompent pas. Elle dépose Jésus dans les bras du plus ancien des trois. Il
l’embrasse, reçoit ses caresses et le confie à ses compagnons. Tous trois sont
très émus, des larmes discrètes coulent sur ces visages virils burinés par la
vie.
Ils rendent Jésus à sa mère, se lèvent, saluent et très lentement,
comme à regret, se dirigent vers la porte de sortie. Parvenus à l’extérieur et
bien visibles des Bethléemites massés sur la place,
ils se prosternent une dernière fois devant Jésus et Marie.
La caravane les attend, prête pour entreprendre la route du retour. Ils
sautent en selle et donnent le signal du départ avec un ultime salut vers la
sainte famille. Marie guide la main de Jésus en une ébauche de bénédiction.
(Mathieu 2- 12)
... Avertis en
songe de ne pas retourner vers Hérode, c’est par un autre chemin qu’ils se
retirèrent dans leur pays.
La foule est très impressionnée. L’aubergiste confirme avoir été payé
royalement, et en or. Décidément ces bergers n’étaient peut-être pas aussi
ivres que ça !
Œ Il faut mentionner ici une émission scientifique qui fut présentée
à la télé par F. de Closets. Les moyens informatiques
actuels autorisent la reconstitution visuelle de la voûte céleste à n’importe
quelle époque, et en n’importe quel point de
Il faut rapprocher ce miracle de celui de la Pentecôte tel que
nous le racontent les Actes des Apôtres et projeter sur l’avenir sa
signification. L’incarnation de Dieu en Jésus est saluée par l’abolition de la
barrière des langages entre les hommes et les peuples (l’anti-Babel... ). La naissance de l’Eglise est marquée par le même
miracle. La fin des temps se produira quand l’Esprit Saint sera dans tous les
cœurs et tous les peuples. Voilà le Royaume à la construction duquel nous
sommes associés dès notre baptême.