PRESENTATION DE JESUS AU TEMPLE Œ

 

Probablement le 20 janvier de l’an -4, ils ont pris la route très tôt pour se rendre de Bethléem au temple de Jérusalem. Joseph guide un âne qui porte la maman et le bébé dans les encombrements de la capitale. Il faut se frayer un chemin avec patience dans une multitude laborieuse et bruyante. On s’arrête pour céder le passage à une caravane de nombreux chameaux lourdement chargés. Un peu plus loin, c’est une patrouille de légionnaires romains qui trace sa route avec vigueur dans un grand bruit de pas cadencés et de cliquetis d’armes, toujours vaguement provocateur.

Près d’une porte du temple, sous le grand mur d’enceinte, Joseph donne une piécette à un gamin auquel il confie l’âne. L’enfant attache l’animal sous un abri manifestement réservé à cet usage et s’occupe à le nourrir.

Joseph, Marie et l’enfant Jésus franchissent le grand mur extérieur et  pénètrent sur une vaste esplanade appelée le parvis des païens. Ils se dirigent vers les nombreux marchands. Joseph achète deux colombes immaculées, puis se dirige vers l’édifice central du temple. A l’une des grandes portes, les colombes sont confiées à un prêtre. Marie ajoute quelques piécettes. Les colombes partent vers leur triste fin, portées par un assistant,  et le prêtre asperge d’eau Marie qui se penche respectueusement. On franchit alors la  porte qui donne accès à une grande salle appelée le parvis des  femmes.

Comme en  procession, lentement, on traverse cette salle  jusqu’aux quelques marches qui donnent accès au parvis des hommes. Là, Marie s’arrête et confie Jésus au prêtre qui, accompagné de Joseph, fait quelques mètres en direction du Saint des Saints, véritable cœur du temple, où se trouve l’Arche d’Alliance.

Le prêtre, en un très beau geste d’offrande vers le tabernacle, élève lentement Jésus vers le ciel. Joseph, à son côté, est cependant humblement très en retrait. Puis le prêtre rend Jésus à Joseph et s’en va. La cérémonie est terminée, Joseph rejoint Marie qui, de la limite du parvis des femmes, participait de tout son cœur.

Parmi les nombreuses personnes venues là pour prier, un vieillard a observé avec attention toute la cérémonie. C’est Syméon ... Il s’approche de Marie et lui demande de bien vouloir, un instant, lui confier le bébé. En souriant, Marie dépose Jésus dans les bras du vieil homme.

(Luc 2 25-38)

Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Et cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. Et il avait été averti par l’Esprit Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint poussé par l’Esprit , dans le temple  comme les parents amenaient l’enfant Jésus pour faire à son égard selon les coutumes imposées par la loi, il le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit : «  Maintenant, ô maître, tu peux laisser ton serviteur s’en aller dans la paix, selon ta parole, car mes yeux ont vu le salut que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière qui se révèle aux nations, et gloire de ton peuple Israël. »  Son père et sa mère étaient dans l’étonnement de ce qui se disait de lui. Syméon les bénit et dit à Marie sa mère: «  Vois, cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et pour être un signe en butte à la contradiction, et toi-même, une épée te transpercera l’âme, afin que de bien des cœurs soient révélés les raisonnements. »

Et il y avait une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était fort avancée en âge. Après avoir, depuis sa virginité, vécu sept ans avec son mari, elle était restée veuve, et âgée de quatre-vingt-quatre ans, elle ne s’écartait pas du temple, rendant un culte à Dieu nuit et jour par des jeûnes et des prières. Et survenant à l’heure même, elle louait Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient le rachat d’Israël.

Les réactions sont très diverses dans la petite foule des témoins. Les paroles  du vieillard et de la prophétesse  provoquent   l’émotion,  l’étonnement. Quelques-uns rient et se moquent. Quelques grands personnages, hautains, hochent la tête et regardent Syméon avec une pitié ironique, laissant bien entendre que son grand âge lui fait perdre la tête. A l’annonce de ses souffrances, Marie pâlit et se réfugie contre Joseph ... Elle sait, bien sûr ! Mais l’entendre confirmer par l’oracle du vieux prophète lui fait peur.

Anne de Phanuel, sa vieille maîtresse confidente, la réconforte :

- Dieu a donné le Sauveur à son peuple. Il donnera son ange pour soulager tes peines. Son aide n’a pas manqué aux grandes femmes d’Israël, et tu es bien plus que la plus grande d’entre elles. Et toi, petit, souviens-toi de moi à l’heure de ta mission.

 

Œ La présentation de Jésus au temple constitue le quatrième mystère joyeux du rosaire. La Thora (= la loi) prescrivait que toute femme qui enfante soit purifiée et que toute mère qui met au monde son premier né vienne le présenter au temple, en offrande à Dieu, pour être « rachetée ». (Lv 12, 2-8 ; Ex 13, 1-15 ; Nb 18, 15-16) C’est le souvenir du massacre des premiers nés en Egypte qui est à l’origine de cette pratique, et on la retrouve dans notre baptême des petits enfants. Evidemment, Jésus et Marie sont bien au-delà de cette prescription légale, mais Joseph et Marie s’y soumettent, dans l’humilité et aussi dans le soucis de garder caché le mystère de l’incarnation.

Le vieillard Syméon, d’après les théologiens, était prêtre, donc pleinement représentatif de l’alliance ancienne. Que ce soit lui qui identifie dans ce bébé anonyme d’une humble famille, le Rédempteur attendu, le réalisateur de l’alliance nouvelle, est hautement significatif. Par sa présence, il fait office de prêtre dans le transfert d’alliance qui s’accomplit, et dans son cantique prophétique, c’est tout le sacerdoce ancien qui cède la place au nouveau... Qui devrait céder serait plus juste. En effet une trentaine d’années plus tard, le sacerdoce officiel se cramponnera à ses privilèges et condamnera Jésus à mort. On ne peut s'empêcher de se demander quel serait le sort de Jésus s'il prenait la liberté de revenir visiter notre époque ...

L’annonce de sa souffrance à Marie n’est pour elle qu’un rappel. Il n’en reste pas moins douloureux. Elle connaît par cœur toutes les prophéties qui concernent son Jésus et elle sait, par l’Esprit Saint qui demeure en elle, que la Rédemption sera sanglante pour son fils. Aussi cette parole de Syméon s’adresse-t-elle plutôt à nous. Elle veut nous introduire à une compréhension plus profonde de l’intimité entre Jésus et sa Sainte Mère. Le Saint Père Jean-Paul II parle de la « corédemptrice ». Dés l’annonciation, Marie communie à tout la mission de son Rédempteur de fils. Et, ultimement, cette communion d’une fille d’Eve à l’acte rédempteur, doit entraîner chacun d’entre nous. En écho résonne la parole de St Paul : « Ca n’est plus moi qui vit, mais Christ en moi ».

C’est la richesse spécifiquement catholique, d’affirmer que la compréhension profonde du mystère du Christ passe obligatoirement par Marie. Vouloir négliger, ou simplement amoindrir, la richesse de cette voie, est se condamner à des pertes de temps bien fâcheuses tout à fait contraires au désir divin.