LA PASSION DE JOSEPH

 

 

 

C’est à l’occasion de la présentation de Jean-Baptiste au temple que Marie accompagne Elisabeth et Zacharie à Jérusalem et commence ainsi son voyage de retour vers Nazareth. Nous sommes probablement le 12 août -5. Marie a fait prévenir Joseph comme convenu, mais la cérémonie s’achève et Joseph n’est toujours pas là. Les cousins ne peuvent guère s’attarder car il leur faut regagner Hébron. On patiente un peu dans la maison d’une famille galiléenne amie, la famille  Zébédé  qui pour l’heure ne se doute pas de sa célébrité à venir.Œ

Marie est calme, mais un peu inquiète. Sa grossesse est maintenant bien visible et elle craint, non  pour  elle, mais pour Joseph ... Dieu lui a-t-il parlé … ? Comment va-t-il vivre ces retrouvailles … ?

Finalement Joseph arrive. Il explique que le message lui est parvenu très tardivement et qu’il a été retardé par son âne qui avait perdu un fer. On s’embrasse joyeusement et on admire le petit Jean. Marie reste silencieuse et tranquille dans un coin de la pièce, sous son manteau. Du coup Joseph s’inquiète de sa santé, mais Marie explique qu’elle est peinée de devoir se séparer du bébé Jean.

Les cousins prennent la route et Joseph propose de voyager de nuit pour éviter la canicule de la journée. Marie accepte volontiers et  on se prépare au départ. Les Zébédé insistent pour que les voyageurs mangent quelque chose en vue des fatigues de la route. Marie grignote, Joseph mange avec un robuste appétit.

Comme lors du voyage aller, un des deux ânes porte le coffre aux bagages. L’autre va recevoir Marie, et Joseph fera la route à pied. Au moment où Marie s’installe sur sa monture, le manteau s’ouvre, Joseph la regarde sans rien dire.  Il vient  de  prendre conscience de la grossesse avancée de son épouse ...

Pendant tout le chemin, Joseph ne dit rien. Marie respecte son silence et se réfugie dans la prière.

Arrivé à Nazareth, Joseph confie Marie à sa petite maison et se retire chez lui, toujours sans rien dire ... Une journée passe. Puis une autre, sans les visites habituelles de Joseph. Marie souffre et prie, elle implore que Dieu veuille éclairer cet esprit certainement plein de douleur.

Une troisième journée s’écoule ainsi. Marie garde confiance et communie à la souffrance de son mari absent. Son devoir à elle est de se taire. Dieu pourvoira.

Joseph, depuis son retour à Nazareth, cherche à noyer son immense chagrin dans une charge et des cadences de travail de forçat. Il ne parvient pas à comprendre … Marie, la vierge du temple, sa perle bien-aimée... Marie est enceinte et pas de lui... Il sent une forme de folie douloureuse l’envahir. Non, il l’aime trop pour dénoncer cet adultère évident ... La mise à mort barbare, à coup de pierres par tous les hommes de la ville ... Non, pas ça ! Tout son être hurle. Mais c’est la loi ... Abruti de fatigue et de douleur, il s’est couché dès la nuit venue ... Essayer d’oublier...

Mais le voici qui s’agite sur sa couche. Il se tourne et se retourne. Un ange le visite en songe : (Mathieu 1-19,21) « Joseph son mari était un homme juste. Il ne voulait pas la dénoncer publiquement. Il résolut de la répudier sans bruit. Alors qu’il avait formé ce dessein, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus : car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés »

Joseph se réveille, allume une lanterne et réfléchit quelques instants. La lointaine prophétie illumine son esprit : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils. On l’appellera du nom d’Emmanuel ce qui se traduit Dieu avec nous. » Jésus signifie « Dieu sauve ». Joseph comprend immédiatement. Vite il s’habille et comme un fou se précipite dehors ...

La nuit est bien entamée quand on frappe à la porte de la maison de Marie ... Elle ouvre et se trouve face à Joseph. Toute pâle d’anxiété, elle le fait entrer :

- A  cette  heure  Joseph ?  As-tu besoin de quelque chose ? Que veux-tu me dire ?

Joseph paraît suppliant et bouleversé.

- Ton pardon, Marie. Et Joseph s’incline comme pour s’agenouiller, mais Marie l’en empêche.

- Mais je n’ai rien à te pardonner Joseph. Je dois plutôt te remercier pour tout ce que tu as fait ici pendant mon absence, et aussi pour l’amour que tu me portes.

Deux grosses larmes roulent sur les joues de Joseph et vont se perdre dans sa barbe.

- Pardon Marie ! J’ai manqué de confiance. Maintenant je sais. Je suis indigne d’avoir un tel trésor. J’ai manqué de charité car je t’ai accusée en mon coeur et sans même te demander la vérité. Je t’ai offensée par mon soupçon ... Pardon !

- Joseph, je n’ai rien à te pardonner. Pardonne-moi la douleur que je t’ai donnée.

- Oh, quelle douleur ! J’ai vieilli de dix ans en trois jours. J’ai maintenant des cheveux blancs sur les tempes ... Mais pourquoi me cacher ta gloire, à moi ton époux ?

- Celui qui vient annulera l’orgueil qui ruine l’humanité et je n’aurais pas pu le concevoir si l’idée même d’une gloire quelconque m’avait effleurée. Et puis Dieu m’a demandé le silence. J’ai donc obéi et cela m’a causé beaucoup de peine en pensant à ta souffrance. Je suis la servante de Dieu Joseph, et j’exécute ses ordres, même s’ils font pleurer du sang...

En disant cela, Marie pleure doucement. Joseph, tout courbé ne s’en aperçoit que quand une larme tombe à terre. Alors il se redresse, prend en ses mains robustes les deux petites mains de la jeune femme, les embrasse :

- Maintenant  il faut  pourvoir   et  faire vite. Je viendrai vivre ici. Nous accomplirons le mariage ... la semaine prochaine si tu le veux bien, qu’en dis-tu ?

- Tout ce que tu fais est bien. Tu es le chef de famille et je suis ta servante.

- Non Marie ! Je suis ton serviteur, le bienheureux serviteur du Seigneur qui grandit en toi la bénie entre toutes les femmes d’Israël ! Comment pourrai-je recevoir Dieu dans ma maison?... Dieu dans mes bras ? J’en mourrai de joie, jamais je n’oserai le toucher !

- Avec Sa grâce, nous le pourrons.

- Toi ... oui ! Mais moi, je suis le plus pauvre des fils de Dieu.

- Jésus vient pour les pauvres, pour les faire riches de Dieu. Réjouis-toi Joseph. La descendance de David a le roi qu’elle attendait et notre petite maison devient plus fastueuse que le palais de Salomon. Le rédempteur grandira parmi nous, nos bras seront son berceau, nos fatigues lui procureront sa nourriture, nous entendrons Dieu nous appeler papa et maman ... Marie pleure de joie.

Joseph est maintenant agenouillé devant sa jeune épouse.

 

 

Œ Il faut saisir ici l’opportunité de parler de la famille Zébédé et de sa célébrité encore à venir à ce stade de notre récit. Il n’y a aucune exagération, je pense, à affirmer que Jean et Jacques de Zébédé, les futurs St Jean et St Jacques, comptent parmi les auteurs les plus lus de toute l’histoire de l’humanité. St Jean, auteur (inspiré par l’Esprit) de son Evangile, de ses lettres et de l’Apocalypse est probablement avec St Paul le « Best-seller » absolu de tous les temps.

On retrouvera souvent cette crainte révérencieuse de tout juif. Voir Dieu est impossible à l’homme. C’est la mort ! Or Dieu va se montrer, s’incarner... C’est toute une culture, toute une tradition qui est bousculée. Les bergers seront bientôt face au même problème ... C’est aussi quelque part le fondement de la future condamnation de Jésus à mort : « Il ose se faire l’égal de Dieu ! Blasphème ! »

En notre 21 siècle commençant,  face à la désincarnation excessive de la spiritualité des chrétiens toutes couleurs de clochers confondues, on peut penser que cette crainte nous habite encore. Or DIEU est venu. L’humanité l’a contemplé. : « Qui me voit, voit Le Père… ». Ce nécessaire retour à une forte incarnation de la foi est une des motivations, la plus puissante, de ces pages sur le WEB.