UNE PAROISSE EN FRANCE  (1)

   

Qu'elle est belle cette église d'un de nos villages ! Récemment rénovée dans le plus grand respect de l'art des anciens, elle m'a semblé très représentative de notre monde catho aujourd'hui. 

 

Car nous sommes, mes frères et soeurs, en passe de devenir des objets de curiosité. Vestiges d'un passé parfois prestigieux, héritiers d'une  civilisation qui s'est répandue sur toute la planète, nous voici bientôt parés d'une forme de prestige identique à celui du siècle de Périclès. S'il reste bien vu d'aller se faire voir chez les Grecs en leurs ruines prestigieuses, dorénavant les riches de la planète entière viennent chez nous observer ce qui reste de la civilisation gauloise. Nos cathédrales splendides, nos innombrables châteaux, notre cuisine, nos bons vins, et les belles petites Françaises dans nos paysages si variés attirent désormais tous les gros comptes en banque des pays émergents. J'ai parfois l'impression d'être au zoo, mais pas du côté habituel...

 

Car ce village est classé. Château, vieux moulin à vent, belle église d'époque, et tout cela en plein "pays de cocagne", sûr, tous les milliardaires chinois  et d'ailleurs vont y affluer. 

 

Impressionné par cette forte affirmation de notre identité nationale, je me suis enquis de la clef de l'église, en vue d'une visite et d'une prière "in door". Voilà belle lurette qu'il n'y a plus de prêtre résidant en ce village. La sainte locale préposée à la garde de la clef du paradis s'exprime avec cet accent rocailleux qui fleure bon l'armagnac et la vigueur des rencontres autour du ballon ovale. Elle m'explique qu'après une longue période de messes seulement mensuelles par les soins du prêtre résidant au gros bourg voisin, le village dépend dorénavant d'un chef-lieu régional situé à un bonne vingtaine de kilomètres : "... Vu le nombre de clochers, faudra se contenter d'une  ou deux messes par an..."

L'intérieur a été remis à neuf. Les menuiseries et la décoration ont retrouvé toute leur fraîcheur. J'ai la surprise d'y découvrir une aimable cohabitation : "... On a mis l'autel dans une des petites chapelles latérales... quand on fait la fête, les musiciens sont sur l'estrade principale...

 

... Nos tables de ping-pong disparaissaient souvent... On a décidé de les mettre ici, sous la protection du BON DIEU."

Elles sont stockées devant le tabernacle. La petite lampe rouge est allumée... Qui a été oublié, du Saint Sacrement ou de la facture EDF? Je crains que ce ne soit les deux. Ayant remarqué la formidable régularité, au moins hebdomadaire, de toutes sortes de festivités organisées par les villages du secteur, mais toutes à base de ripailles et de rigolades, je poussais les questions dans ce sens :"- Votre  salle commune en mairie est bien petite. Faire la fête ici,  y rompre le pain dans la joie fraternelle en partageant des verres bien remplis ne ferait que rendre cet édifice à sa vocation première. C'est aussi une des finalités du repas du Jeudi Saint...- On y a pensé. On connaît la réponse... Il y a quelques années on a manqué de chaises pour faire la fête... On a demandé au curé l'autorisation d'emprunter celles de l'église... On s'est fait jeter..."

 

A moins de cinquante mètre de l'église, la Sainte Mère attend. Une mission a mis sa statue en place il y a près d'un siècle. L'environnement immédiat montre tout le respect qui lui est attribué... 

Son fils en Croix domine la seule place du village sur laquelle ouvrent l'église et la mairie. Est-il aussi oublié qu'elle, tant par les autorités locales que par ses prêtres devenus si lointains. 

Je pense à mon village en région parisienne. Notre église a été récemment entièrement restaurée. Dans un bel élan de générosité les paroissiens lui ont ajouté une chapelle d'adoration eucharistique perpétuelle. Le Saint Sacrement y est accessible 24/24 h. 

Je pense à nos jeunes prêtres diocésains promis à un avenir de pilotes de rallye, plus souvent au contact du volant qu'à celui des coeurs. Je pense aux 5 jeunes prêtres de notre congrégation mariale locale. Leur chapelle déborde. Ils cherchent des sous pour construire alors que notre grande et belle église se vide.

 

 

DANIEL-KOKA