SAINTS ANONYMES  (3)

 

 

 

SAINT LAZARE.

 

C’est pour sa ressemblance avec le personnage biblique que je lui attribue ce prénom. L’ami de JESUS, le frère de MARTHE, et aussi de la non moins célèbre MARIE MADELEINE était un homme très riche. C’était aussi un esprit libre, de large culture, mais exclu des cercles religieux à cause de sa sœur « La MAGDELEINE ». Elle exerçait avec grand talent le plus vieux « métier » du monde sur les bords du  lac de TIBERIADE surtout. Mais aussi à JERUSALEM. Les hautes autorités   qui condamnaient son frère sur des tonalités vertueuses ne se privaient pas de quelques passages dans son lit.

Le LAZARE auquel j’attribue ici une sainteté anonyme est né en Cicile, dans une famille d’origine grecque. Son véritable prénom est imprononçable en notre langue et nous n’y disposons d’aucune traduction ou correspondance. D’où mon amicale, respectueuse et admirative homonymie…

 

Ma première rencontre avec LAZARE remonte à plus de 30 ans. J’étais déjà « tombé dans le bénitier » depuis belle lurette, mais l’obligation de gagner la croûte de ma famille impliquait des achats de matériel de métrologie. LAZARE, à l’époque, était « le commercial » d’appareils dont j’avais besoin, dans une spécialité qui se développait très vite, sous l’intrusion rapide, et bénéfique, de l’électronique. Un peu plus jeune que moi, il était un « commercial » de grande efficacité, et vendait du matériel performant. Son job s’est développé sur une voie parallèle mais distincte de la mienne. Les hasards du travail nous faisaient  se rencontrer environ une fois par an, dans des grandes expositions, autour d’un apéro avec bonnes cochonnailles et pain frais, chacun sachant que chez eux l’hospitalité de ce genre était plus festive et décontractée que chez leurs concurrents.  Quand rencontra-t-il l’associé avec lequel se constitua l’équipe de leurs vies, je n’en sais rien. Mais tous deux sont actuellement les patrons du premier fabricant Français dans leur spécialité recherchée par beaucoup d’industriels.

 

Mais j’entends votre question : « Où est donc la sainteté dans tout ce fourbis mercantile… ? » Nous y voici.

 

Tout récemment, et après quatre années de dysfonctionnements aléatoires très perturbateurs dans mon travail, littéralement « furax »   devant la persistance de ce type de problème, je charge tout mon fourbis dans ma voiture (… j’y joute ma chère épouse, à sa place habituelle, en vue d’une balade amoureuse en province), et rendez-vous pris à leur usine j’en profite pour passer chez eux laver tout le linge sale.

J’y suis reçu avec beaucoup de générosité par les deux cadres que concernaient mes problèmes.  LAZARE n’y était pas ce qui était tout à fait normal. On traite les difficultés techniques, avec succès je l’espère. L’avenir me le dira. J’en profite pour visiter tous les ateliers. Je constate alors que dans cette usine impeccable et neuve, à la pointe de leurs spécialité, outre le nombre et la qualité des laboratoires affectés à chaque technique,  tout le monde a le sourire, toute le monde « bosse » et fort mais avec un bonheur de faire ainsi qui est quasiment palpable. Des ingénieurs de recherche aux ouvriers sur les machines, tous affichent leur joie de figurer dans une équipe performante et gagnante. C’était spontané et aucunement du cinéma destiné à un de leurs clients probablement le plus ancien et le plus fidèle.

Je remarquais aussi une forte densité de jeunes, manifestement en début de carrière. J’ai discuté avec l’un d’entre eux, seul opérateur sur un banc de mesure et d’étalonnage du genre très pointu. C’était un étudiant de la faculté régionale la plus proche. Il était fier et heureux de se voir confier un outil pareil lors de ses longs séjours d’alternance. Dans un labo voisin, une autre équipe de jeunes travaillait à des simulations complexes destinées à la sécurité de nos Airbus…

 

Bref ma fureur fut étouffée et victorieusement combattue par le spectacle d’une très belle entreprise, assurant pleinement le nécessaire fondamental au bonheur de plusieurs centaines de familles. C’est beau et ça devient rare. Hélas… Mais voici la suite.

 

Quelques jours après, une sorte de pot amical et festif est organisé sur la région parisienne par leur équipe commerciale. La qualité de leur accueil récent m’interdisait de ne pas y participer. J’y retrouve LAZARE, parfaitement au courant des difficultés que j’avais rencontré sur les quatre années précédentes, et à qui je raconte ce que j’ai vu en « son » usine. Je ne lui cache pas mon admiration. Nous sommes tous deux d’accord sur l’évidence que les jeunes doivent apprendre, que la perfection n’est pas de ce monde, que c’est nécessairement par des petites erreurs que viennent les progrès, qu’il n’y a que les imbéciles et ceux qui ne foutent rien pour ne jamais se tromper. Je découvre alors que ce climat humain est le fruit de ses convictions religieuses, très librement et concrètement mises en œuvre, sans aucune référence à quelque Eglise  que ce soit, et par simple synergie avec « l’Autorité Suprême ». Et ce disant, je le vois pointer le doigt vers le ciel, exactement comme je le fais quand je parle du « Bureau Chef ». Il me désigne alors quelque cadre commerciaux à l’œuvre dans le barbecue ambiant -… vous voyez le gaillard là-bas… c’est un black… - Oui, j’avais remarqué… j’ai taillé une bavette avec lui tout à l’heure. Il a un excellent contact… - Et cet autre qui est Chinois… et encore un autre, lui ça ne ce voit pas, mais il est Musulman… Tous travaillent en parfaite amitié, sans aucune ombre au tableau… Regardez-les, ils se marrent et répandent leur joie accueillante sur la même tonalité…

 

Et en cerise sur le gâteau, il essaye alors de me remémorer une de nos premières et lointaines rencontres amicales. Je lui aurais alors vanté les irremplaçables vertus de cette forme de management, sans lui cacher à quelle Autorité Suprême je la rattachais depuis de nombreuses années déjà. Et LAZARE de m’affirmer que ce témoignage de mes convictions profondes, associé à notre mutuelle et fidèle amitié, serait un des éléments dominants de la belle réussite humaine et industrielle présente…

 

Il me lira peut-être. J’ai été profondément ému… Je confesse que connaissant ses hautes performances commerciales, la pensée blasphématrice d’une possible manipulation bassement « fricarde » m’a effleuré. Qu’il me pardonne ! La réalité humaine, en son témoignage collectif est une preuve irréfutable.

 

« C’est au fruit qu’on, juge l’arbre… » « … ce ne sont pas ceux qui disent… mais ceux qui font… »  Le « Patron » dixit.  

 

 

 

 

DANIEL KOKA.