REDEMPTION  (3)

 

 

LE POUVOIR. 

 

 

Dans toutes les institutions seulement humaines, le pouvoir se fonde sur la peur. Ces fondations, plus ou moins cachées dans nos sociétés qui se disent démocratiques, sont plus évidentes dans les gouvernances autocrates voire dictatoriales. Car c’est la nécessité de plus de sécurité pour chaque famille, pour chaque tribut, pour chaque nation, et finalement pour chaque culture, qui porte le très grand nombre à déléguer le souci de sa défense à une étroite minorité de puissants. C’est le désir de bénéficier de conditions de travail, et de vie plus productives, plus génératrices de bien-être, plus enracinées dans la stabilité qui légitime la délégation de ce souci collectif à la même minorité. La satisfaction de cette demande collective et universelle trace les contours de la notion de « BIEN COMMUN ».

 

Depuis la nuit des temps, cet usage constant s'enracine en fait dans l'instinct de survie, de conservation de l'espèce. Il a donc un fondement anthropologique. Le pouvoir réellement au service du bien commun  est donc respectable. Il doit être soutenu et accompagné de l'adhésion coopérative de tous. Car c'est une forme de pari en faveur de l'avenir, pour le meilleur au bénéfice des générations qui montent. C'est  aussi un pari sur la probité, la sincérité et l'altruisme de cette minorité qui reçoit ainsi des prérogatives très larges. Mais aussi des responsabilités énormes.

 

Dans notre culture chrétienne, construite sur le socle de la Bible et surtout de l'Evangile, la notion du BIEN COMMUN prend une coloration beaucoup plus profonde, beaucoup plus exigeante. Car la survie  de l'espèce, et sa défense exprimées dans l'action de toutes les cellules sociales fondées initialement et très légitimement sur notre seul instinct animal, y font aussi très explicitement référence à "La Vie Eternelle". Cette formulation biblique est beaucoup plus forte chez nous que dans les autres traditions religieuses.  Depuis 35 siècles, sous forme orale d'abord et écrite ensuite, la Bible parle inlassablement aux hommes "Du Dieu Vivant" qui veille à notre croissance collective, précisément dans ce bien commun. D'abord illustrée par l'histoire du peuple juif, cette longue quête devient une proposition universelle par l'Incarnation de Dieu Lui-même en la personne de JESUS. Le fameux Royaume qu'Il est venu nous proposer est bien le tenseur profond, et fécond, des 20 siècles de progrès qui nous séparent du très bref passage du CHRIST dans l'Histoire universelle. Il suffit pour s'en convaincre de comparer le dynamisme des cultures qui ont cohabité sur les 2 derniers millénaires.

 

Très présente en arrière fond de toutes les expressions religieuses, la peur de la souffrance et de la mort  avait conduit à diviniser, en des formes multiples, toutes les forces de la nature. Les autorités politiques de tous les temps, n'ont jamais manqué  de s'appuyer, pour durer, sur la caution des autorités religieuses dominantes de leur temps, quitte à "acheter" cette coopération  par la persécution des religions concurrentes. C'est le seul moyen d'établir durablement un consensus, une confiance, entre le roi et son peuple. 

 

Quand Abraham proclame "Le Dieu" unique, malgré la grande richesse de son clan, il est forcé à l'exil par l'autorité royale et les religieux de son temps.  C'est par référence à ce Dieu unique que Moïse ose braver la formidable puissance de pharaon. C'est toujours en s'appuyant sur le même Dieu unique que David et Salomon conduisent un peuple minuscule à la domination politique de tout le proche orient. 

 

Et c'est dans les ruines de cette puissance que Dieu s'incarne dans une pauvreté absolue. Il se fait artisan charpentier, gagne son pain avec ses mains et sa cervelle comme chacun d'entre nous, démontre la toute puissance divine qui l'habite par une multitude de miracles retentissants, conteste et refuse toute forme de collusion entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, et se laisse clouer sur une Croix en signature de cette contestation véritablement révolutionnaire. Et surtout, cette contestation apparemment en forme de naufrage magnifique mais politiquement pitoyable, est sublimée, authentifiée en sa mesure éternelle et universelle, par  la Résurrection du matin de Pâques à laquelle "Il" ne cesse d'associer chacun d'entre nous. Car le véritable christianisme est surtout et d'abord une communion universelle entre une multitude d'éternels vivants en nos éphémères passages dans notre forme charnelle. Quand le chrétien perd de vue cette sublime spécificité, il s'abaisse au seul niveau d'une pauvre croyance d'abord, et progressivement d'une idéologie parmi tant d'autres

 

La contemplation de la trajectoire de Judéo-Chrétiens sur les 20 derniers siècles, à travers les lunettes "Du Pouvoir" et de ses nécessaires collusions avec la peur ouvre des questions en forme d'abîmes...

 

Car le CHRIST JESUS a refusé mordicus toute forme de collusion avec le pouvoir temporel. Il a affirmé très explicitement que "... Mon Royaume n'est pas de ce monde". Il a affirmé on ne plus clairement son pouvoir royal face au représentant de l'Empereur "... Car tu es roi?... - Oui, je le suis". Lui qui était le vecteur de toute la Puissance Divine s'est laissé ignoblement massacré sur une Croix, à l'initiative des chefs religieux de son temps. Et quelques jours plus tard, il se montrait bien vivant à quelques  centaines de petites gens, initiant ainsi ses innombrables visites personnelles des siècles à venir.

 

Parallèlement, la religion chrétienne se développait, portait des fruits très contrastés, tant dans leur saveur que dans leur horreur. En très peu de siècle elle épousait le plus souvent le schéma antérieur d'une collusion tour à tour turbulente ou soumise avec le pouvoir politique. 

 

Pour les laïcs que nous sommes mes frères, le devoir de travailler dès cette terre, par la promotion du BIEN COMMUN, à l'émergence DU ROYAUME dont nous savons très expérimentalement qu'il n'est pas de ce monde, ce devoir nous crucifie en permanence à petit feux. Petits feux dont les ardeurs sont très variables et dont nous percevons clairement que "Les Officiels" en sont généralement et confortablement plus protégés que nous, Et à nos frais faut-il le rappeler. Les exceptions héroïques existent. J'en connais. Qu'ils soient bénis... Sans eux, le monde s'effondrerait dans un barbarisme latent toujours renaissant.

Cette tension interne traverse toutes les Eglises. Elle est la pauvre condition de chacun d'entre nous et de l'Eglise Universelle. Je sais au fond de mon coeur qu'elle ne se résoudra pas. Je sais qu'elle n'empêchera pas les turbulences et les catastrophes que nos égoïsmes généreront. J'écoute la Parole lucide et prophétique du CHRIST quand il dit "... le Fils de l'Homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la parole de DIEU sur la terre...?" Mais je garde en mon coeur la certitude que l'Amour de DIEU, par lequel les prémisses de la béatitude éternelle nous sont donnés, est déjà définitivement vainqueur, dans l'éternité déjà présente à laquelle l'ESPRIT donne un commencement d'accès à quiconque ose seulement le chercher un peu.

 

Cette tension, ce choix fondamentale intime, marque notre maintien, ou notre fuite du monde de la peur. Tous les hommes de pouvoir, même au sein de l'Eglise, ont un intérêt stratégique majeur à entretenir la dépendance de leurs sujets. L'outil de la peur est donc sournoisement entretenu,  quotidiennement, sous des formes tellement nombreuses que nous n'identifions plus notre soumission au système. Quand un JP II ouvre son pontificat en proclamant à la face du monde "... N’ayez pas peur !" c'est une formidable claque qu'il inflige à toutes les formes de pouvoirs majoritairement temporels. En leurs consciences profondes, bien des religieux ont dû se questionner quant à la pertinence de leurs catéchèses.

Car la présence du Royaume eu notre coeur, dès aujourd'hui et à petite dose, ne signifie-t-elle pas la défaite de la souffrance et de la mort, malgré leur présence cruelle. La présence "Du Ressuscité" dans chacune de nos vies, à la manière amicale et respectueuse qui était la sienne avec les marcheurs d'Emmaüs, quand elle survient dans la vie de mon ami BOB (… j’ai raconté sa conversion en au autre chapitre),  ou d'un Mgr Charles MATHIEU (… la « conversion » d’un Mgr, ça vaut le coup ! Egalement raconté dans le même autre chapitre), ne signifie-t-elle pas que nos pédagogies sont mal centrées. Elles en restent trop souvent, au catalogue infernal des péchés à ne pas commettre, mais à confesser scrupuleusement à M. le Curé pour  calmer la colère d'un Père Fouettard qui par amour daigne modérer les ardeurs de son martinet. Seulement si nous sommes bien obéissants. Mais à qui devons-nous cette obéissance...? Elle reste enseignée, véhiculée, par une foule de symboles certes magnifiques en leur splendeur traditionnelle, mais qui repoussent très majoritairement la sublime rencontre dans l'au-delà. Et quand vous osez témoigner de cette présence, toujours partielle et imparfaite, vous devenez suspect, dérangeant, malade... Un fou quoi !

 

Très majoritairement, beaucoup trop majoritairement, notre pédagogie chrétienne est centrée sur une Rédemption conditionnelle (... elle l'est évidemment, mais si faiblement !),  acquise dans l'au-delà pour une minorité de brebis bien sages (... que pas un seule ne se perde !), et dispensée par une élite pensante présumée sainte (... Oui, il existe des saints. La prudence leur commande de se cacher !), élite toujours bardée de diplômes théologiques (... Judas était le seul diplômé de "Sa" bande) qui consacre sa vie à des pauvres demeurés qui ont tant besoin de leur secours. Et on brandit la croix. La rencontre imaginée par DOSTIEWSKI entre  JESUS revenu en simple visite sur terre, et le Grand Inquisiteur, restera toujours d'actualité. Je suis témoin, dans ma paroisse de l'exclusion de pauvres, pas fréquentables par des « gens biens... » Il faut conserver un standing minimum sacrebleu ! Mais on s'affirme vigoureusement évangélisateurs, avec des accents conquérants qui fleurent bon ce brave Docteur COUE.

 

Les convictions militantes partagées sont un bon rempart pour les peurs individuelles. On se force à oublier les désastres où nous ont conduits les idéologies marxistes, hitlériennes et autres, malgré leurs prégnances qui persistent. N'auraient-elles pas eu comme terreau un christianisme affadi au point d'en être indigeste. Comment a-t-il été possible que des peuples chrétiens entiers se laissent abuser par des horreurs pareilles ?

 

Il y a très peu, un pays très profondément chrétien nous a donné JPII, POPIELUSKO et LECH VALESA. A la même époque, un très haut prélat de ce pays laissa un général fantoche emprisonner un prix Nobel Chrétien...  

 

L'Eglise c'est d'abord et ultimement  le CHRIST JESUS. Ensuite, et pauvrement sur cette terre, ce sont les Apôtres. Et ensuite encore, plus pauvrement encore et soumis dans leur fonction d'empêcheurs de ronronner en rond en instrumentalisant les brebis du Seigneur, il y a ces fous de Prophètes. Heureusement...  Ils sont des farouchement jaloux des prérogatives de Dieu. Toute usurpation de la splendeur divine, toute forme d'idolâtrie cultuelle, tout dévoiement de la nécessaire obéissance, les font hurler. Et ils en prennent plein la g...

 

 

DANIEL-KOKA