RAMADAN VILLAGEOIS

 

 

 

 

Elle est née au Maroc au bord de l’Atlantique. Une bande de copains de mon village venait assidument prendre des vacances en son village, avec abondants couscous dans le restaurant tenu par sa famille, mais pratiquement « managé » par cette femme de caractère, travailleuse et intelligente. D’authentiques liens d’amitié se sont ainsi établis. Qui ont conduit à un mariage, à un déménagement vers la France, puis à un veuvage vécu douloureusement et progressivement surmonté avec courage.

Elle est de religion musulmane. Son défunt mari était farouchement et généreusement  humaniste, très actif et fécond dans la politique locale. Tous avaient pour lui une grande amitié et un profond respect. Il ne fréquentait notre clergé local que par « courtoisie obligée ». C’est lui qui, à la mairie, a marié mes deux grandes filles… Autant dire que nous étions de proches amis, moi fréquentant notre chapelle du Saint Sacrement pour deux, car lui n’y mettait jamais les pieds. Le lien fidèle est resté vers son épouse qui connait mes liens très forts avec nos bénitiers.

 

Or il y a quelques semaines, voici qu’elle nous invite à fêter l’entrée en Ramadan, en jumelant cette fête avec l’anniversaire de deux amis du village. J’avoue y être allé en me forçant un peu… La perspective d’une longue soirée, suivie d’une nuit de sommeil très réduite,  en pleine semaine chargée de boulot stressant à mon âge, me « plombait » le moral. Le choc amical, un peu curieux de ma part face à cette rencontre à fondement religieux, m’à incité à répondre à l’invitation. Ma chère épouse m’accompagnant, je lui annonçais cependant que je ne resterais pas bien tard pour limiter la casse sur le sommeil et la forme nécessaire au lendemain.

Donc tous deux nous pointons chez elle vers 20 h 00. Nous y retrouvons de nombreux villageois, des vieux comme nous, un nettement plus vieux de 92 ans qui affiche une forme éblouissante, plusieurs couples de jeunes, des gosses qui jouent dans le jardin, trois très petits dont un tout nouveau né… Bref nous étions une bonne trentaine d’adultes, très majoritairement non-pratiquants reçus avec générosité et gentillesse par une famille de pratiquants musulmans. Ne s’en cachant aucunement, et après nous avoir offert apéro (… excellente « soupe champenoise » !) et cochonnailles, notre hôtesse n’a consommé avec nous qu’à compter de l’heure fatidique autorisée. Le couscous fut ensuite servi vers 22 h 00. Le vin rosé était abondant et bien frais… Les discussions amicales nourries, et les échanges philosophiques furent nombreux. Des frontières spirituelles et religieuses furent taquinées dans le respect mutuel….

 

J’en avais un bon coup dans l’aile quand m’apercevant que minuit était passée… ! « Signe » du « Bureau Chef » ou effets du rosée… Les deux probablement. Je fis la bise à notre hôtesse en lui demandant de me mettre par écrit comment s’exprime les concepts de « Sainteté » et de « Miracles » dans le Coran. Bise aussi aux nombreux amis pour me hâter ensuite vers ma chambre à coucher, quelques rues plus loin. 

 

A la réflexion, des constats profonds me montent au cœur. J’ose les partager avec vous et avec l’ami KHALED qui recevra ce texte par mail :

- Le DIEU unique, celui d’ABRAHAM notre patriarche commun, s’est évidemment réjouit de cette fête fraternelle.

- Durant toute ma (… longue !) vie de chrétien, je n’ai jamais vécu un partage de carême aussi festif, simple, comme spontané et familial.

- Sur les dernières  dix années, j’ai vécu, partagé, et souvent animé de nombreux repas ALPHA qui approchaient cette belle tonalité qui réchauffe les cœurs en garnissant les estomacs et les gobelets. Mais la finalité « évangélisatrice » de ces soirées, nettement affichée avec loyauté, posait donc une barrière  que je n’ai pas ressentie ce soir là…. Je viens d’en prendre conscience. Le témoignage tout simple de vies, en leurs quotidiens spontanés et toutes générations confondues, sans aucun « blabla », parle plus fort de l’Amour de DIEU que n’importe quel « enseignement », ou « partage », fussent-ils de grande qualité à vue humaine.

- Certes, PAUL VI insistait (… déjà !)  sur l’urgence et le manque de « témoins ». Nous restons beaucoup trop sur des modes « intellos… !).

- Chez nous, dans ce type de rassemblement, la seule présence d’une soutane ou d’un col romain (… sauf trop rares exceptions !) impose immédiatement un réflexe communautaire de réserve et de prudence. Une crise immédiate de constipation nous saisit tous… ! Et le pire est que nous y sommes habités, conditionnés… ! Notre religion, sous le beau prétexte du Royaume éternel, est à ce point désincarnée que nos attitudes sont une négation de cette éternité présente. Et même de la signification de l’Incarnation de DIEU en SON FILS… !

- Je m’interroge, dans cette assemblée musulmane festive, sur la présence d’une dame, peu communicative, manifestement érudite au regard du Coran. Elle m’a remémoré le lancement des premiers parcours ALPHA dans notre Brie « bettraveuse ». L’évêque y avait envoyé, incognito comme il se doit, un observateur en charge de lui  rapporter ce qui s’y passait… Les structures islamistes (… il en existe évidemment) étaient-elles représentées… ?

- Les racines très profondes et solides de notre foi se « sentent » en méditant la signification existentielle de « … Prenez et mangez… Prenez et buvez… », de « … quand deux ou trois se réunissent EN MON NOM… Je suis là.. », et aussi de la parabole des pèlerins d’Emmaüs. Car c’est bien dans un bistrot que c’est tenu la toute première messe de toute l’histoire du Christianisme après la Cène du Jeudi Saint… Elle était bien modeste la basilique… Elle était pourtant sainte, la table du partage…

- Oui, il fut béni de DIEU ce repas de ramadan… ! Vive l’amitié… ! Elle est beaucoup plus crédible et d’actualité que les résurgences d’inquisition chez nous, et le barbarisme idiot des Al-Qaïda chez eux…

     

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DANIEL-KOKA