PHILO-GYMNASTIQUE
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Il a peu, je retrouve
par hasard un de ces « ABC du BAC » qui étaient fort utiles avant que
les portables et autres techniques ne facilitent la triche dans les salles
d’examen. Dans ma lointaine jeunesse, les consciences se l’interdisaient…
Publié en 1978 chez Nathan, Denis HUISMAN et André VERGEZ proposaient aux futurs bacheliers 1500 citations philosophiques en vue de la
dissertation du « jour J ». Le bachelier que je ne suis pas a
immédiatement plongé sur quelques chapitres, en convergence avec ses
turbulences neuroniques actuelles concernant les télescopages entre nos modes
de pensée coutumiers et les avancées récentes de la science. Je vais donc
partager avec vous… Vous me pardonnerez de piocher un peu au hasard de mes
découvertes et donc de mes résonnances internes.
EN
PREAMBULE :
J’espère
ne pas trop dérailler en résumant ce que la science contemporaine indique dorénavant aux philosophes :
- La matière de
tout l’univers, à laquelle chacun participe,
est maintenue dans « l’être » par
une même organisation énergétique.
- Par sa nature, cette énergie organisatrice n’est
aucunement soumise à l’espace et au temps que nous percevons comme inéluctables
et implacables en notre matérialité. Les frontières temporelles et spatiales
ultimes de notre corporéité ne sont qu’apparentes.
- L’espèce humaine, dans le système de pensée que
l’Histoire a construit, développe une intelligence cumulative qui s’exprime
principalement dans les langages scientifiques, philosophiques et théologiques,
chacun devant agir complémentairement aux deux autres. Ces systèmes de pensée,
initialement séparés par les étendues géographiques, ont construit de
nombreuses civilisations. La science et la technique des deux derniers siècles ont aboli ces
frontières. Une mise en synergie des intelligences et des cultures est devenue
indispensable face au danger des armes nucléaire. Cette synergie se cherche un
mode d’expression efficace en gouvernance planétaire, laquelle est évidemment
contrariée par les innombrables citadelles passéistes de pouvoir.
- L’intelligence humaine, nous montre des formes
d’intelligences très diversifiées en tout ce qui vit, impénétrables à la nôtre,
mais bien observables en leurs effets. Certes nous sommes les animaux les plus intelligents.
Mais suivant nos critères à nous. Développe-t-on plus de sagesse que les autres
espèces ? On peut au moins en douter.
La question se pose dorénavant avec urgence.
Pour
simplifier la démarche, je tenterai un balayage historique. Sportive comme il
se doit la gymnastique… !
DEPUIS LA
NUIT DES TEMPS : LE REGNE
CACHE DE NOS PENDULES SUR
L’INTELLIGENCE HUMAINE…
- En ouverture, je tombe sur
une affirmation de PLATON… (Environ 428 à 348 AJC) Référence
incontournable ! (Le gamin que je fus chantait souvent lors de
ses marches en forêt, en chœur avec ses copains, « … qu’est-ce que la
philosophie… c’est la doctrine à PLATON… » Je n’irai pas plus loin,
car PLATON y était pendu, et par la peau
du… Vous aurez compris que pour des ados, l’amusante phonétique était plus attractive que la philo). PLATON fut copain d’EUCLIDE,
donc d’un des plus grands scientifique de notre Histoire, fondateur de la
géométrie qui gouverne tous les phénomènes apparents sur notre planète. Il
affirma :
« IL faut aller au vrai avec toute son
âme. »
Je suis évidemment et
totalement d’accord. Mais je constate avec tristesse (… pour eux !), qu’à
notre époque l’immense majorité de nos contemporains accordent à leur âme et au
vrai beaucoup moins d’attention qu’au déficit de la sécurité sociale. Les pauvres…
De PLATON encore :
« Le temps est l’image mobile de
l’éternité immobile »
Magnifique… ! On verra
plus loin que Saint AUGUSTIN avait probablement bouquiné PLATON.
- ARISTOTE (Environ 384 à
324 AJC), élève de PLATON et prof du très célèbre ALEXANDRE cite une pensée
d’AGATHON, manifestement un précurseur homonymique de notre 79e
pape :
« Tel est le seul pouvoir dont DIEU
soit privé : faire que ne soit pas arrivé ce qui est accompli. »
NEWTON et surtout EINSTEIN
étaient encore très loin devant. Mais cette pseudo
évidence est à ce point dominante en nos neurones que Paul CLAUDEL
(1868-1955), contemporain d’EINSTEIN affirmait :
« DIEU lui-même, quand il ferait un
autre ciel et une autre terre, ne ferait pas que ce qui a été n’a pas
été. »
Ce Paul était cependant tout
le contraire d’un demeuré. Un peu plus près de nous JANKELEVITCH
(1903-1985) reprenait le même refrain.
- Saint AUGUSTIN (354-430)
mérite que l’on s’arrête un peu sur ses confessions en forme de
méditations :
« … le passé et l’avenir, comment
sont-ils puisque le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas
encore ... ? »
Mais surtout, et comme en
une intuition profonde quasiment « pré-einsteinienne » 14 siècles
avant Albert :
« Le présent même, s’il était toujours
présent sans se perdre dans le passé, ne serait
plus « temps », il serait
« éternité »
Et c’est bien à la présence
constante, immuable, de cette éternité que la physique d’EINSTEIN confronte dorénavant
notre pensée. Hélas, après cette splendide intuition, AUGUSTIN de
conclure :
« Si nous avons le droit de dire que
le temps « est », c’est parce qu’il s’achemine au non-être ».
En ce 21e siècle
commençant, je pense au contraire que la relativité du temps, son élasticité
allant jusqu’à sa disparition, sous-jacente à la matérialité de chacun,
confirme, affirme, notre éternité déjà commencée. C’est donc tout le contraire
d’un non-être, mais bien la plénitude ultime
de notre « être ». Le rapprochement de ce constat avec l’ordre du
CHRIST JESUS «…allez… dites à tous que Le Royaume EST tout proche… » ouvre des
perspectives richissimes à nos présents ici-bas.
Je sens chez AUGUTIN, à tort
peut-être, des barrières préventives face au panthéisme. Sont-elles ultimement
justifiées… ? Je ne le pense pas.
- Je trouve ensuite du Saint THOMAS… (1228-1274) indispensable
référence (…prudentielle !) pour le vieux catho que je suis partant
à l’aventure en terre philosophique.
C’est un extrait de sa somme théologique. On remonte
là au 13e siècle, bien avant la naissance de Newton. La science
était encore au berceau.
« Personne ne croirait, s’il ne voyait
qu’il faut croire… à cause de l’évidence des signes. »
Ayant « digéré »
ARISTOTE c’est bien connu, THOMAS ne parlait certainement pas seulement du
concept habituel depuis saint JEAN « signe = miracle », mais bien
aussi des évidences montrées par la
nature, par tout ce qu’elle nous
enseigne, par les merveilles que nous y contemplons si on se donne un peu la peine
de s’y arrêter. A fortiori aussi de ce
que la recherche scientifique nous en dévoile maintenant.
J’aime
et partage cette incitation à rechercher le « parler de DIEU » à
travers toute « Sa Création ». Je la perçois comme une
prévention de cette désincarnation perverse qui sévit en notre 21e
siècle commençant. Cette désincarnation par excès d’intellectualisme n’épargne pas la pensée chrétienne. Ce qui est bien une sorte de mutilation infligée
à la personne du CHRIST. Et aux nôtres également.
- DESCARTES (1596…)
(… RENE ne fut pas seulement l’inventeur de la belotte !
Rions… !) contemplait aussi la science au
berceau. Le grand savant et penseur qu’il fut se comporta avec elle comme une excellente nounou. D’où
la naissance de NEWTON (1642) très peu
de temps avant son propre départ « ad Patres » (…1650). RENE
écrivit :
« Sentir, imaginer… concevoir ne sont
que des façons différentes d’apercevoir… Assurer, nier, douter sont des façons
différentes de vouloir… La volonté est absolument nécessaire afin que nous
donnions notre consentement … L’entendement est limité… la volonté… infinie… de
là vient que bien souvent nous donnons notre consentement à des choses dont
nous n’avons jamais eu qu’une connaissance fort confuse. »
Dans mon expérience quotidienne
d’homme du 20e siècle, j’ai un peu de mal à suivre… Je doute que la
volonté soit nécessaire pour donner notre consentement. Quand ce consentement est donné lucidement, en
toute et vraie liberté, alors oui. Mais j’ai trop souvent constaté le
contraire. Les manipulations de toutes sortes sont coutumières. Nous
y sommes hélas conditionnés par la puissance médiatique laquelle n’existait pas du temps de RENE.
La « connaissance
fort confuse » qu’il dénonce
est dorénavant entretenue et systématiquement. Le flou, l’approximatif,
le consensuel… tout cela est volontaire, au profit des structures de pouvoir,
et au nom de la paix sociale. Car au nom de la démocratie, il faut que le plus
grand nombre dise oui, même à des routes suicidaires. Et plus le danger deviendra
perceptible, plus les médias attiseront le climat de peur, au nom duquel les structures de pouvoir se
confortent. Le mécanisme de base de toutes les
oligarchies est bien celui-là.
J’ai
aussi expérimenté que ma volonté n’a rien d’infini. Cette affirmation est
utopiste en sa dimension seulement humaine. Mais elle ne l’est aucunement
s’agissant d’une transparence possible mais rare, à « La Volonté »
divine. C’est seulement l’instinct anthropologique de survie, de conservation
de l’espèce en première instance, suivie de la recherche de notre
éternité, qui suscite la volonté vraie.
Hors de ces deux moteurs synergiques autant que possible, on ne peut parler que
de velléités diverses, éphémères, en forme de courants d’air. Aussi forte et
constante que fut ma volonté, elle n’a jamais résisté durablement à mes crises
de flemme, à mon amour de la sieste et du Ti-Punch, et à quelques autres
misères…
Par contre, j’aime beaucoup le
respect sous-jacent de DESCARTES pour le monde extra-sensoriel, l’invisible de son époque et de tous les
temps, bref de tous les autres modes de manifestation de « La
Vérité ». Il fustigerait par avance nos fondamentalistes actuels,
fussent-ils religieux ou scientistes. Mais il a affronté ce genre de pauvres
mutilés de la cervelle et du cœur. Ceux qui défendent farouchement les
murailles de la citadelle qu’ils se sont construite, et dont ils ont tant
besoin.
- Encore de DESCARTES,
et comme en prévention du règne de nos sages et intelligents du 21e
siècle, mais pas seulement :
« Il y a beaucoup plus de vérité dans
les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent et
dont l’événement le doit punir bientôt
après, s’il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son
cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet. »
On retrouve bien les
fondements sages de la « subsidiarité »,
un des piliers de la doctrine sociale de
l’Eglise. J’ajoute hélas que nous serions moins en danger si les
spéculations de nos « hommes de lettre », disons nos divers énarques,
ne produisait aucune effet. Leurs effets pervers sur le moyen et long terme est
plus qu’inquiétant. Mais nous avons laissé faire…
Toujours DESCARTES qui propose le bon critère de
discernement face à « La Vérité » de l’action :
« … je jugeais que je pouvais prendre
pour règle générale que les choses que nous concevons fort clairement et fort
distinctement sont toutes vraies. »
A quoi HELVETIUS (Claude Adrien 1715-1771), précurseur de nos
énarques en ses hautes fonctions politiques, mais aussi philosophe contesté par
ses contemporains des lumières, répliquera beaucoup plus tard (… et un peu
stupidement me semble-t-il) :
« … DESCARTES a logé la vérité à
l’hostellerie de l’évidence. Mais il a négligé de nous en donner
l’adresse. »
La pauvre était athé. Il ne fréquentait aucunement le CHRIST JESUS.
Dans ces conditions, les nombreuses hostelleries disponibles sur les routes de
nos vies ne lui étaient pas identifiables, même si leur discernement, dans le
respect de notre royale liberté, n’est pas évident. Le critère me semble
pourtant très simple, donc totalement contraire à la logique constante des
« sages et intelligents ». Essayons toujours d’évaluer
« …
ça sent-y l’Amour ? Ou ça sent-y la zizanie ? »… « C’est-y
la Bonne Odeur du CHRIST ?... Ou ça pue-t-y le panier de crabes
habituel ? » Car n’oublions pas l’invariante salutation de
JESUS, partout où Il débarquait : «… que
MA Paix soit avec vous… »
(… à suivre)
DANIEL-KOKA