ONCE UPON A TIME (4)

   

 

(suite...) Il était une fois…

 

 

Donc, SYLVAIN est chrétien pratiquant. Mais son "statut" de SDF le situe en plein dans la classe sociale qui, il y a vingt siècles, écoutait "Le Maître" avec ravissement. Ce qui provoquait la rage des autorités religieuses locales. JEAN-CLAUDE n'est pas SDF, loin s'en faut. Mais le regard que porte SYLVAIN, de l'intérieur mais du plus bas, vers les autres cathos, lui semble un trésor d'informations sur la stérilité actuelle certes relative mais certaine de l'évangélisation chrétienne en notre 21é siècle commençant.

Deux autres situations révélatrices ont été confiées à JEAN-CLAUDE, au bistrot, en partageant un "p'ti-déj" roboratif et bien chaud.

 

 

La première remonte à l'été 2006. C'était la canicule. Notre SYLVAIN roupille sous le porche d'entrée d'une des gares SNCF du secteur, fermée la nuit. Mais vers 2 h00, il est réveillé par une soif intense à satisfaire au plus vite... Pas de fontaine public dans le village. Tous les rares bistrots sont fermés. Notre homme connaît les textes de l'Evangile et sait où se trouve la maison du Curé local. Il regroupe ses affaires, fonce, et carillonne chez le Prêtre. Lequel apparait au au balcon de sa chambre, au 1er  étage "... Il était en slibard... Heureusement que c'était pas une nana qui sonnait !"

SYLVAIN s'explique et quémande un verre d'eau. Il se fait jeter pas très aimablement. La soif qui le taraude le fait descendre sur les berges du fleuve locale où il est contraint de s'abreuver... Comme un animal.

De nombreuses semaines plus tard, à la prière universelle lors d'une messe dominicale, SYLVAIN a osé demander le micro et dire "... l'homme qui est là... Il m'a refusé un verre d'eau, de nuit, alors que je crevais de soif..." Froid dans l'assistance. M. le Curé local était très enquiquiné, mais a eu le grand courage de s'excuser.

JEAN-CLAUDE ne m'a pas précisé si l'Evangile du jour évoquait l'affaire du verre d'eau donné à un prophète.

 

 

La deuxième est quasi synchrone avec l'affaire du dodo au chaud dans la chapelle du Saint Sacrement (voir Once Upon 3). SYLVAIN a été légèrement blessé lors d'une de ces castagnes si fréquentes entre SDF, surtout quand il fait très froid et qu'il faut se réchauffer avec quelques boissons à haut indice d'octane. Un doigt de sa main droite a été ouvert. Un éclat de verre y est caché. La plaie est malsaine...

Le dimanche suivant, avec un copain, ils sont deux à la messe de la "capitale régionale" et s'arrangent pour entrer dans la sacristie. Elle dispose d'une grande porte extérieure sur cour accessible à tous. Il n'y a donc pas eu d'effraction. Il y a un lavabo, de l'eau chaude et froide, du savon... Bref, on tente d'extraire le bout de verre, ça fait mal et ça pisse. Mais M. le Curé survient, pique la crise en voyant deux SDF, reste sourd à leurs explications sanguinolentes et les vire.

Le recentrage privilégié sur les "pauvres et les petits devant le Seigneur" est en route dans cette paroisse. SYLVAIN n'est pas un naïf et le savait. Mais il est resté avec son doigt pas soigné... JEAN-CLAUDE me fait remarquer que cette petite capitale régionale, sans être Versailles, lui ressemble comme deux gouttes d'eau...

 

 

Dans mon village, je participais la semaine dernière à une de ces "soirées d'évangélisation" organisées dans le cadre de l'opération "Eglise en Actes" de notre Mgr. Il parait que la France entière nous les envie... Les confidences de JEAN-CLAUDE et SYLVAIN m'étant connues, j'écoutais une nouvelle fois les arguments que je résume (... méchamment je l'admets !) par la formule "... comment parler de Jésus Christ, nous qui savons... à ces pauvres couillons de païens du dehors qui ont tant besoin de nous... Bon, d'accord, et de "Lui" aussi...!" Je me demandais si je ne perdais pas de précieuses heures de sommeil. Mais j'observais, très sagement dans le groupe, quelques rares personnes qui s'admettent généralement aussi couillonnes que moi. Il y a donc de l'espoir ! 

Je vais demander à JEAN-CLAUDE d'inviter SYLVAIN. Sûr, ça va mettre de l'ambiance...

 

DANIEL-KOKA.

Retour au sommaire du "Livre de Daniel"