CATHO-CINDYNIQUE (5)

 

Je ne suis qu’un très modeste cyndinicien, formé « sur le tas » à l’usage de cet outil. Donc pas suffisamment ecclésiologue pour l’utiliser valablement en milieu catho. Mais je formulerai quelques observations, quelques orientations possibles. Simples observations d’où je me situe, c’est à dire au  « ras des pâquerettes » avec aucune prétention à me placer "plus haut".

 

Bien qu’il soit contraire à notre actuelle « civilisation de consommation du n’importe quoi », il faut nécessairement admettre le postulat que tout outil, toute organisation doit servir à quelque chose.

 

Nier ce postulat reviendrait pour des chrétiens à ignorer l’axe téléologique tel que je l’ai transposé. Ce serait nier JESUS, nier que la finalité de l’Eglise, de toute Eglise chrétienne est JESUS au présent et pour l’éternité. Ce refus me semble impossible. Mais il signerait une forme de négation de la finalité cosmique, totale, de « l’Incarnation » de Dieu. Je sais que cette négation de fait, se cache derrière une foule de comportements écclésiaux bien ancrés.

 

En milieu chrétien, tous les déficits cyndinogènes,  quel que soit celui des quatre autres axes où ils se situent conduisent inévitablement à un déficit sur l’axe téléologique. Une analyse cyndinique de notre « Sainte Mère l’Eglise » y sera donc plus aisée qu’en tout autre système où l’axe des finalités, restant certes dominant, éclaire moins puissamment les autres.

 

Parlons d’un premier déficit cindynogène téléologique.

 

Vu d’en bas (… les paquerettes donc !), c’est celui auquel je suis le plus sensible. Un grand nombre de situations m’a montré que l’institution écclésiale accorde presque toujours plus d’attention à sa propre survivance, au maintien du statu quo, même à la justification de l’injustifiable, qu’à la libération réelle et profonde de ses ouailles. J’ai illustré les effets de ce déficit dans mes « Once upon… ». Mais ne cachant jamais mon état de chrétien immergé dans le bénitier, j’ai très souvent constaté que la grande majorité de ceux qui rejettent la foi chrétienne ont été blessés, parfois très douloureusement, par l’institution ou ses représentants les plus officiels.

Nous avons l’honneur au « Catho-Gratteur » de compter un membre éminent de plus, au moins à titre amical. Je le laisse illustrer le même déficit, avec son autorisation dûment sollicitée et accordée. Qu’il en soit remercié.

Dans les relations individuelles, voici ce qu’en pense notre ami (Extrait de l’album « DIEU et VOUS » par Monsieur PIEM, Le Cherche Midi, éditeur. Ayant procédé en décembre 2006 à une mise à jour de tous les chapitres précédents, j'y ai ajouté des illustrations opportunes de Monsieur PIEM... Les références sont les mêmes) :

La variante « collective » de cette pensée, dans la situation géopolitique actuelle ouvre des suites possiblement tragiques dont la référence historique n’est évidemment pas absente :

 

 

Prétendre évangéliser dans cet état d’esprit me semble utopique. Voilà pourquoi je qualifie ce déficit de « téléologique ».

Il me semble que le problème s’enracine dans les conditionnements qui résultent de notre éducation. Sans vouloir généraliser, bien au contraire, je constate dans trop de lieux d’Eglise, une permanence sournoise de la « pédagogie de la peur » :

 

 

On l’habille du beau vocable de « La Sainte Obéissance » et on évoque la parole du Seigneur « … que celui qui veut me suivre prenne sa Croix… ». On pousse même la sollicitude jusqu’à en crucifier quelques-uns en toute charité chrétienne et pour l’exemple… Dame, c’est pour leur bien !

 

On entretient ainsi une mainmise plus aisée sur le « petit peuple ». Derrière tout cela, comment ne pas voir des préoccupations de pouvoir temporel, identiques sur le fond à la dénonciation de J.C.RUFFIN dans son « GLOBALIA ». Les politiques actuels se servent du même levier, avec beaucoup moins d’adresse. Seulement avec plus d’évidence, d’où une bonne part de leur discrédit.

 

Je pense à René GIRARD qui situe la naissance de toute religion, de toute culture, donc de notre humanité cessant d’être seulement animale, au moment de la prise de conscience du scandale de la mort d’un semblable.

 

Je pense à notre cher J.P. II qui disait en assemblée générale de  l’ONU :

« … L’espérance n’est pas un optimisme vain, dicté par la confiance naïve en un avenir nécessairement meilleur que le passé. L’espérance et la confiance sont les prémices d’une activité responsable et souvent leur source dans le sanctuaire intime de la conscience, où l’homme « est seul avec Dieu » et pour cette raison mêne à l’intuition qu’il n’est pas seul au cœur des énigmes de l’existence, parce que l’amour du Créateur l’accompagne…

Pour retrouver notre espérance et notre confiance au terme de ce siècle de souffrances, il nous faut rentrer à nouveau dans la perspective transcendante des possibilités ouvertes à l’esprit humain…

Nous devons vaincre notre peur de l’avenir. Mais nous ne pourrons la vaincre entièrement qu’ensemble. La « réponse » à cette peur, ce n’est pas la coercition ni la répression, ni un « modèle » social unique imposé au monde entier. La réponse à la peur qui obscurcit l’existence humaine… c’est l’effort commun pour édifier la civilisation de l’amour, fondée sur les valeurs universelles de la paix, de la solidarité, de la justice et de la liberté« l’âme » de la civilisation de l’amour, c’est la culture de la liberté des individus et des nations, vécue dans un esprit oblatif de solidarité et de responsabilité »

 

Avec PIEM, je pense aussi, et souvent, à  la douleur de Notre Seigneur, ne m’exonérant pas, hélas, d’y participer certainement plus souvent que je le pense :

 

 

La permanence de cette pédagogie de la peur est tellement ancrée dans notre rituel de catholiques que nous ne la remarquons pratiquement jamais.

 

Inversement, nos semblables « de l’extérieur » la perçoivent immédiatement et faute de réponse adéquate fuient au plus vite, assurés que nous sommes complètement à côté des attentes de notre époque. Même (… et surtout !) dans la liturgie de la messe, elle est quasiment omniprésente.

(Je vous recommande la lecture d’une sorte de bilan pratique de vie sacerdotale d’un prêtre connu du grand public pour avoir animé de longues années durant une émission radio sur une grande antenne nationale (Un AUDIT personnel sur l’EGLISE CATHOLIQUE en France – Editions ACG PLOERMEL- 02 97 75 47 67).

 

A notre époque, les incroyants souffrent de leur incroyance. Ils ont compris au fond d’eux-mêmes l’imposture des propositions seulement humaines. Mystérieusement poussés par l’Esprit, ils sentent bien que « La  Vérité » est en ce « Charpentier de Nazareth » universellement connu. Alors, ils tentent de rejoindre ceux qui se disent chrétiens pour leur poser quelques questions toutes simples.

 

Presque toujours, on commence par leur dire, ou leur faire comprendre avec plus ou moins de douceur, que s’ils sont malheureux, c’est d’abord à cause de leurs bêtises, et que la route du bonheur consiste à imiter la vertu des bien-pensants qui officient aux premiers rangs. On leur parle d’amour, mais ils constatent la zizanie, les luttes de pouvoir, et toutes les « vacheries » qui se déploient et dont ils souffrent tant à l’extérieur. Ils nous cataloguent comme des hypocrites et se sauvent en courant.  Les quelques héros qui survivent à cet accueil, évidemment plus par la grâce de l’Esprit que par notre témoignage, entrent dans une longue marche à tâtons où leur sont promis « La Rencontre » personnelle avec le Seigneur, « Le Pardon » de leurs nombreux péchés et, au moment de leur décès, l’entrée dans « Le Royaume ». Mais seulement si toute leur vie ils ont été bien dignes et assidus aux sacrements donnés par M. le Curé,   surtout les derniers. C’est du moins ce que pensent la majorité d’entre-nous.

 

Je relisais il y a peu le récit de l’assassinat survenu le 10 novembre 1657 vers 15 h 00 dans la galerie des Cerfs du palais de Fontainebleau. Il fut ordonné, (en France !), par la reine Christine de Suède. Il fut perpété par trois « nobles » tueurs en présence d’un religieux (… Français !) de haut rang extrait de son couvent voisin pour recevoir une ultime confession, laquelle ne s’acheva qu’avec un véritable carnage dont le marquis Monaldeschi fut la victime. Le « pourquoi » de cette ténébreuse affaire n’aurait jamais été élucidé.

 

Certes, nous sommes beaucoup plus « softs » dans nos manières d’agir actuelles. Mais sur le fond, nous restons bien les mêmes : D’un côté les victimes, de l’autre ceux qui « à bon droit » les condamnent au nom de leur bonne conscience, ou des nécessités « politiques ». Nous avons eu les « stalags », puis les « goulags », puis les « hôpitaux psy ». Chez nous le « politiquement correct » et la censure de tout ce qui réfléchit au-delà de sa ligne rouge accomplit maintenant le même travail d’abrutissement et de destruction de la dignité humaine. Que le « pouvoir » soit civil ou religieux, le « politique » est toujours présent et il convient de ne pas confondre les torchons et les serviettes.    

 

Heureusement, il y a dans les Eglises chrétiennes surtout, dans toutes les Eglises et à tous les niveaux, des gens qui à l’exemple de Notre Seigneur, restent toujours solidaires avec les torchons, parce qu’ils savent combien ils en sont.

 

Aux héros nouvellement entrants chez nous, il faut un courage surhumain (… et l’Esprit veut le leur donner, of course !) pour résister à nos contre- témoignages.

 

Nous proclamons la vie éternelle avec des têtes d’enterrement, mais il y a vingt siècles que Jésus est ressuscité. Nous parlons de pardon et ne cessons de nous accuser mutuellement. Mais il y a vingt siècles que nous sommes pardonnés, c’est du présent, pas du futur, du moins si nous « L »’aimons et observons « Sa »Parole. Nous affirmons que « Jésus seul est Sauveur », mais nous nous comportons comme ses indispensables mandataires. Nous n’avons que le mot « amour » à la bouche et nous nous contentons du minimum hygiénique en la matière.

Bref, nous nous affirmons les seuls constructeurs valables « Du Royaume » mais nous faisons fuir les « Invités » du Roi au nom de notre culture de l’infaillibilité, refusant de constater que d’autres Eglises sont plus accueillantes que la nôtre, que beaucoup d’autres chrétiens y sont des évangélisateurs devenus plus performants que nous.

 

Pédagogie de la peur. Repliement identitaire à l’abri des murs de nos sanctuaires. Syndrome d’autosatisfaction permanent qui refuse la réalité d’un déclin et en conséquence la remise en cause de comportements inchangés depuis un demi-siècle. Et qu’on ne fasse pas dire qu’il faudrait brader les exigences de l’Evangile. Bien au contraire. Il me semble seulement que si nos paroles ne le font pas, nos actes témoignent du contraire. Et je ne m’exclus pas de cette critique.

 

A l'occasion de la mise à jour de ce chapitre (... décembre 2006)  les autorités diocésaines catholiques de mon territoire F 77000, viennent de lancer une action ambitieuse de mobilisation de toutes les paroisses. Nommée "EGLISE EN ACTES", elle se réfère explicitement à la méditation des Actes des Apôtres en incitant aux questionnements personnels et collectifs. 

 

Comme d'habitude, au mois au niveau local, aucune concertation préalable avec "la base" n'a préparé cette action audacieuse et novatrice. Je participe comme invité à un groupe de réflexion entre amis de longue date et j'observe la tonalité... Certes on n'y retrouve pas toute l'ambiance de mon "LAETARE". Mais la dominante y est cependant, avec silences gênés et mines effrayées quand les sujets habituellement gommés sont simplement tangentés. La pédagogie de la peur a fait de nous des trouillards.

 

 

 L'Esprit-Saint a du travail pour nous faire remonter la pente...

 

DANIEL-KOKA