ADIEU L'ABBE...

   

 

 

Un saint vient de nous quitter, et personne ne s'y trompe, surtout pas le petit peuple. Les puissants se précipitent vers sa dépouille pour verser quelques larmes pas forcément de crocodile ou de circonstance, car cette sorte de grandeur défunte les émeut également, c'est sûr. Ils ont seulement oublié le "comment faire", le "Qui" fait, nécessairement à travers nous... Au tréfonds d'eux-mêmes la solitude les taraude, elle que connut rarement l'homme d'Emmaüs. 

 

C'est qu'il y a de la distance, un abîme, entre les palais de nos énarques et les tentes de Don Quichotte. L'abbé PIERRE, avec obstination, courage et grande gueule, n'a jamais cessé d'être à coté des nomades, des miséreux, des souffrants, pour rappeler aux puissants que la gloire du Christianisme ne devrait être que celle de JESUS. "Lui" avait d'entrée fait le choix radical des pauvres et des souffrants. JESUS a toujours refusé le pouvoir, quelle qu'en soit la forme terrestre. Il a toujours été en opposition, parfois violente, avec les puissants de son époque. La "gloire" des tentes du canal St Martin ressemble plus à celle de Jésus que les éclats d'or du palais de l'Elysée ou celles de nos pompes ecclésiales.

 

Il y a quelques mois un autre saint défunt remplissait la place St Pierre à Rome avec les chefs d'états de la planète. Et tout le petit peuple de la ville éternelle réclamait sa canonisation immédiate. Il y a peu, le parvis de Notre Dame était comble. Le petit peuple était dehors. Dedans siégeaient les puissants et "les compagnons" pour une fois réunis. Tous les coeurs et les prières ardentes accomplissaient de fait une canonisation immédiate. Après St Vincent de Paul, notre vieille France aura dorénavant un autre St Pierre, quoi qu'en dise Rome. Lui-même nous a donné à lire qu'il pratiquait la douce mais si commune manière de combattre nos détresses et nos solitudes auprès d'une compagne aimée. Voilà qui  fera probablement obstacle à sa canonisation officielle. L'Église Catho oublierait-elle les nombreux prêtres Gréco Catholiques, dans la communion avec Rome, mariés, et qui galèrent  dans l'indifférence de leur hiérarchie pour élever leur nombreuse marmaille ? Un d'entre eux m'honore de son amitié. Je sais que notre nouveau St Pierre de France l'aidera de là-haut, avec plus d'efficacité que son évêque. Il faut préciser que ce cher homme (… le Mgr local !) porte plus "d'affection..." à son chauffeur qu'à l'administration de son diocèse. En ce cruel monde de communication, tout se sait. La Vertu demeure certes  inaccessible au commun des mortels mais la peinture vertueuse si nécessaire à notre honorabilité s'y écaille bien plus vite qu'autrefois. Surtout quand on s'y cramponne. Autant être réaliste et adopter la franchise de l'Abbé. Autre signature chez lui d'une franche et authentique humilité.

 

Le Père GREGOIRE qui honore depuis peu le CATHO-GRATTEUR de son amitié m'a adressé le billet d'Alain REMOND parue dans "LA CROIX" le mardi 23 janvier 2007. J'ose le reproduire ici pour forcer un sourire à notre peine :

"L'abbé Pierre arrive à la porte du paradis. Saint Pierre l'accueille. "-Salut l'abbé" dit Pierre. "Salut Pierre" dit l'abbé. "Bienvenue, dit Pierre. Suis-moi, je vais te montrer ta chambre." L'abbé se gratte la barbe. "Une minute dit-il à Pierre. Je voudrais d'abord voir le Patron, - Comment ça, le Patron ? Dieu... ? - Parfaitement, dit l'abbé. J'ai des choses à lui dire." Saint Pierre tripote ses clefs. "Mais il est très occupé, ça peu attendre, non ? - Attendre, attendre ! J'ai entendu ça toute ma vie ! L'urgence pouvait attendre ! Alors écoute-moi bien, Pierre. J'ai entendu dire qu'ici, au paradis, certains seraient mieux logés que d'autres". Pierre prend l'air offusqué : "N'importe quoi ...! - J'ai mes informations ! dit l'abbé. Et j'ai l'intention de mettre fin à ce scandale ! Manifestations, réquisitions, occupations ! Je te préviens, ça va barder... !" Saint Pierre pousse un gros soupir. "Dire qu'on était si tranquilles... Et voilà que le ennuis commencent." Son portable sonne. C'est Dieu. "Allô, Pierre ? Tu ne trouves pas qu'on commençait à s'ennuyer ? Allez, envoie-le moi vite  !"

 

Mon ami le prêtre marié et père de famille que j'évoquais m'a raconté une "brève de sacristie" à peu près symétrique.

"Une petite soeur contemplative a partagé toute sa vie entre prière (1/3), dodo (1/3) et travail (1/3). C'était une femme toute simple et que le Bon Dieu avait doté d'un Charisme particulier : celui d'être une parfaite et énergique ménagère. Son monastère, jusqu'en ses moindres recoins était d'une propreté parfaite et fleurait bon la cire d'abeille. Elle décède et se présente devant St Pierre qui l'accueille à bras grand ouverts. Mais le portable du Grand Portier sonne. Le Père lui annonce un décès imminent... Se tournant illico vers la petite soeur, il lui dit :"Les balais, l'aspirateur le cire et tout le matériel sont dans ce placard... Allez-y ma soeur, je compte sur vous, nous n'avons qu'une petite demi-journée... - Mais j'étais venu pour enfin me reposer... et je vois que le ménage n'a pas été fait en vue de mon arrivée... Deux poids deux mesures... Où est la Justice de Dieu ?" Et St Pierre de s'excuser - Pardon, ma soeur, des saintes comme vous j'en reçois tous les jours, mais là, c'est un évêque Roumain qui va débarquer. Le dernier, c'était il y a deux siècles..."

 

J'ai écrit évêque "Roumain"... Pas "Romain" ! De grâce, qu'on ne me fasse pas écrire ce que je ne dis pas.

 

« A DIEU » l'abbé... Et chauffe-nous la place ! Ici, tu sais combien il fait froid dans les coeurs...

DANIEL-KOKA